[musique]
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des voix de l’OIT.
Un podcast de l’OIT où nous abordons les problèmes
et des problématiques du monde du travail,
des profondes transformations qu’il est en train de vivre en ce moment
et, bien sûr, des effets de la pandémie.
Aujourd’hui, 15 octobre,
c’est la Journée internationale des femmes rurales
et c’est donc le sujet que nous allons traiter dans cet épisode.
Les femmes jouent un rôle majeur dans l’économie rurale,
où elles peuvent être agricultrices, salariées ou entrepreneuses.
Tout cela, en veillant au bien-être de leurs familles,
de leurs enfants et de leurs parents âgés
qu’elles nourrissent et dont elles prennent soin.
J’ai été très surprise de découvrir que les femmes rurales représentent
un quart de la population mondiale alors que pourtant,
moins de 20 % des propriétaires terriens dans le monde sont des femmes.
Pour aborder ce sujet,
nous avons l’immense plaisir d’accueillir aujourd’hui Mohamed Madhkour
qui est tunisien,
expert en développement et a travaillé entre autres
sur le plan d’action de l’entrepreneuriat féminin,
notamment rural en Tunisie.
Nous accueillons également madame Leila Mhimdi
qui est Tunisienne, ingénieur agronome,
présidente de SMSA qui se nomme Lella Kmar Elbaya
et qui fait de la transformation de produit agricole traditionnel.
Qu’est-ce qu’une femme rurale ?
Madame Mhimdi, s’il vous plaît, est-ce que vous pouvez nous partager
votre expérience,
nous dire ce que signifie pour vous être une femme rurale tunisienne aujourd’hui ?
Comment vivent ces femmes ?
Quel est leur quotidien ?
Qu’est-ce qui n’a pas changé peut-être par rapport aux anciennes générations
et qu’est-ce qui est nouveau pour la jeune femme rurale ?
Oui madame, merci.
Je me présente, je suis Leila Mhimdi, je suis une des femmes rurales.
J’appartiens au milieu rural, j’étais élevée dans le milieu rural
avec ma famille dans le milieu de l’agriculture ou le milieu rural.
Comme on parle d’habitude,
c’est les femmes rurales et je suis fière d’être parmi les femmes rurales.
Sur le terrain, réellement, la femme rurale,
je vais parler des femmes agricultrices ou filles d’agriculteurs,
ou femmes d’agriculteurs qui travaillent sur le terrain
avec leurs maris et qui sont en train d’élever aussi des filles
et des garçons dans le milieu rural.
C’est une famille rurale
et on n’a pas même le problème qu’on dit au milieu rural
ou qui vit dans le milieu rural, c’est la même chose,
mais réellement, ce sont les femmes
qui vivent dans le milieu qui n’est pas dans une commune.
Les droits aux femmes rurales, ça manque beaucoup.
Les femmes travaillent beaucoup sur le terrain.
La période de COVID,
il y avait beaucoup de femmes sur les champs
qui travaillaient lourdement pour que nous,
on trouve sur le marché les différents légumes et tout.
Les femmes, vraiment, elles sont des combattantes
et qui travaillent beaucoup sur le terrain,
et le nombre d'heures que la femme rurale fait c'est énorme.
On a fait des études avec elles.
Elle travaille, parfois c'est 16 heures sur 24
parce qu'elle fait le terrain
et elle fait aussi tout ce qui est travail chez elle à la maison,
donc elle s'occupe des enfants et elle s'occupe du mari,
elle s'occupe de tout.
Vraiment, elle a beaucoup de travail qui sont lourds.
Justement,
est-ce que vous pourriez nous décrire une journée type
d'une femme rurale ?
On va parler, par exemple là, de l'une des femmes rurales.
Par exemple, on va parler de la femme de l'agriculteur.
Elle se lève le matin vers 5 h 00 du matin,
elle prépare le repas des enfants
et du mari et de la famille.
Ensuite, elle quitte au travail pour travailler avec son mari
jusqu'à 5 h 00 du soir.
Elle retourne à la maison.
S'il y a de l'artisanat, elle fait un peu de l'artisanat.
D'habitude la plupart des femmes qui ont un savoir-faire
avec les mains sont des artisanes.
Ensuite, elle s'occupe aussi du diner des enfants.
Si elle a des animaux aussi, elle va s'occuper des vaches
ou des animaux qui se trouvent à la maison.
Vraiment elle ne se rend à son lit vers 11 heures la nuit.
C'est une longue et lourde journée pour les femmes rurales.
Si elle travaille avec son mari,
elle ne reçoit pas de l'argent
contre ce qu'elle a fait sur le terrain,
donc nous, pour la coopérative,
on a essayé que les femmes ont leur autonomisation économique.
Le slogan de la Journée mondiale de la femme rurale
est « La résistance de la femme rurale au changement climatique. »
On a essayé avec nos femmes
de travailler sur nos semences autochtones,
de doubler des cultures maraîchères pour qu'on puisse avoir toujours--
Parce que le blé d'autochtone est très résistant
au changement climatique et les femmes maintenant,
on a des agricultrices qui ont commencé à semer sur le terrain et nous,
on essaie comme coopérative de vendre les produits
et d'avoir un petit sous
où les femmes peuvent vendre leurs produits
et comme ça elle aura son propre argent pour qu'elle puisse être bien épanouie.
D'accord.
Qu'est-ce que ça crée comme différence dans la prise de conscience
que ces femmes peuvent avoir parce qu'elles deviennent--
En gagnant en autonomie financière,
elles gagnent aussi en confiance, en confiance en elles.
Est-ce que ça crée des vocations chez la jeune génération ?
Comment vous envisagez les choses de ce point de vue là ?
Tout à fait.
Si elle se sent bien, c'est l'estime de soi.
Elle se sent bien lorsqu'elle est autonome,
elle essaye d'aider ses enfants.
Elle aussi sera épanouie, elle achète ce qu'elle veut.
Aussi, elle va participer aux prises de décision avec le mari.
Il n’est plus seul pour prendre les décisions.
Ce sont aussi les femmes avec lui.
La femme, si elle a le minimum d'autonomisation,
elle participe avec lui en prise de décision,
soit pour les enfants, soit pour la famille,
soit pour aussi le terrain qu’elle travaille,
qu'est-ce qu'elle veut travailler réellement.
On a trouvé des femmes qui ont changé totalement,
la façon que leurs maris ont travaillé.
Dans la coopérative, on a 200 adhérents,
dont 80 % sont des femmes.
Les femmes, maintenant, c'est elles qui ont la prise de décision
sur le terrain puisque c'est elles qui travaillent,
parce que c'est les femmes qui travaillent sur le terrain réellement
plus que l'homme.
Je parle du milieu bien déterminé.
Je parle du milieu rural des ouvrières agricoles,
je parle des femmes d'agriculteurs et des filles d'agriculteurs.
Sur les jeunes générations, est-ce que certaines femmes
ont envie de cet avenir-là,
de femmes agricultrices et rurales pour leurs filles ?
Est-ce que ces filles ont envie ?
Est-ce que ça crée, par exemple, des vocations, notamment scolaires,
de jeunes filles qui deviendraient ingénieures agronomes
pour pouvoir mieux cultiver les terres de leur famille ?
Oui.
Vous avez des exemples ?
On a beaucoup de filles qui sont très éduquées
et aussi les filles des régions rurales
qui sont des cadres, de hauts cadres, soit dans la santé,
dans l'agriculture, dans tous les domaines,
sont très bien placées.
Il y a beaucoup d’elles qui reviennent sur leurs terrains avec les voisins.
Il y a aussi ceux qui quittent le milieu rural
à cause du travail ou quelque chose comme ça,
et il y a des gens qui restent dans leur milieu rural
et ne changent pas
et essayent d'améliorer la situation des femmes et de leur région,
il y a beaucoup aussi.
Pour nous en Tunisie, les femmes dans, tous les domaines,
elles sont vraiment excellentes
et elles s'attellent bien pour terminer les cours
et avoir des diplômes qui sont très importants.
Justement, est-ce que vous pourriez nous parler des principales difficultés
et challenges que rencontrent ces femmes aujourd'hui et puis aussi,
nous donner des exemples de réussite probants,
j'allais dire concrets auxquels vous avez pu assister
ou que vous avez peut-être mis en œuvre ?
Je vais parler de deux choses.
Par exemple, dans la zone de Zaghouan,
pourtant, la Zaghouan est très connue par l'eau potable qui est bien.
On a beaucoup de difficultés que les femmes,
vraiment, du matin au soir
pour amener les bidons d'eau,
par exemple, à la région du Joof du Zaghouan.
Vraiment, les femmes ont une grande difficulté.
On s'est réuni à Zaghouan avec ces femmes.
On a parlé qu'est-ce qu'on peut faire de mieux.
On a pensé d'avoir des citernes et l'un des jeunes de la région va amener
des citernes aux femmes au lieu qu'elles passent
de trois à quatre heures pour amener des bidons d'eau.
Maintenant, ces femmes,
on a fait la formation à ces femmes et on a créé un atelier
où les femmes vont faire le couscous du blé mahmoudi
qui est le blé de la variété autochtone.
C'est une variété purement tunisienne
et qui est très résistante aux changements climatiques.
Les femmes font le couscous et le mahmoudi et nous,
on est en train de faire le marketing et de vendre les produits
de ces femmes pour avoir leur prix et aussi,
elles sont très contentes qu'elles travaillaient maintenant
et ayant de son propre argent.
Vraiment, c'est une expérience qui est excellente
et tu vois vraiment que les femmes sont très contentes
et elles attendent chaque fois qu'on aille à Zaghouan
pour qu'elles puissent aussi travailler.
Elles me disent : « Madame, quel est le programme de qui suit,
qu'est-ce qu'on va faire ensuite ? »
Ayant demandé beaucoup de formation, vraiment, c’est extra.
Maintenant, elles se sentent fières, elles se sentent mieux
et elles se sentent bien.
C'est une expérience à Zaghouan avec notre coopérative Lella Kmar Elbaya.
Merci pour ce témoignage qui me permet de me tourner maintenant
vers Monsieur Madhkour et de poser la question à propos justement des perspectives
et surtout des chantiers, des sujets qui sont sur la table
en ce moment dans le monde et en Tunisie peut-être,
en particulier lorsque l'on s'intéresse à la femme rurale.
Est-ce que vous pourriez nous résumer un petit peu,
Monsieur Madhkour ce sur quoi la femme rurale doit s'intérroger aujourd'hui ?
Il y a plusieurs définitions, nécessairement,
de ce qu'on appelle une femme vivant en milieu rural.
Si nous prenons une définition basique,
c'est-à-dire une définition administrative,
nous pouvons dire qu'une femme ou un homme
qui sont ruraux ou qui vivent dans un milieu rural,
c'est des personnes qui vivent
dans un lieu qui n'est pas communalisé,
c'est-à-dire qui n'est pas sous l'administration d'une commune
ou d'une municipalité,
si nous sommes dans cette définition européenne
ou continentale.
C'est-à-dire qui sont régis par une autre organisation,
l'organisation de ce qu'on appelle le village.
Bien évidemment,
c'est une définition purement administrative
parce que la ruralité, elle est plurielle, elle est diverse.
Qui dit ruralité et je suppose que l'on va en parler,
parle d'agriculture, parle du monde rural, des villages, de la campagne.
Nous allons voir que le monde rural peut être des fois
juste à côté du monde urbain en réalité.
Là, on est dans des définitions autres qu'administratives,
c'est-à-dire des définitions sociologiques.
Vous parliez de définition multiple et j'imagine qu'il existe
des situations multiples,
mais est-ce que vous pourriez quand même nous donner,
nous dresser un tableau de la situation de la femme rurale aujourd'hui
dans le monde et particulièrement en Tunisie ?
Quelles sont les nouvelles donnes qui se présentent à elles, par exemple ?
Effectivement.
Quand je disais que la ruralité est plurielle et diverse
parce que la ruralité est quelque part en progression,
en évolution par rapport à de nouvelles réalités socio-économiques
et notamment pour les femmes.
Quand on parle de ce monde rural, il y a plusieurs défis qui sont liés,
comme l'a évoqué un peu le diagnostic réalisé
lors du développement des objectifs du développement durable,
les ODD, et qui a évoqué, par exemple comme principal défi,
les femmes rurales et le changement climatique.
C’est la forte dépendance des femmes et des hommes.
On va voir au cours de cet échange, je suppose, combien c'est la femme
qui dépend de ces aléas,
beaucoup plus que les hommes en monde rural.
Aujourd'hui, comme vous l'avez évoqué, le nombre de femmes
qui évoluent dans le monde rural est impressionnant,
mais c’est un nombre de femmes qui subit un certain nombre de défis,
d'obstacles, de problématiques, mais d'opportunités en même temps.
Nous sommes dans un monde qui a tendance à s'urbaniser de plus en plus
parce que nous connaissons justement cette notion
que nous appelons l'exode rural.
Quand on va vers les pays en développement,
là, on se retrouve dans cette forte problématique
de l'accès aux droits et aux services des hommes et des femmes
en milieu rural, mais c'est davantage les femmes.
Quand on parle d'accès aux droits et aux services,
c'est-à-dire que le fait qu'on ait évoqué
ce focus sur les femmes en milieu rural,
c'est parce qu'il y a un grand déficit
d’accès aux droits et de services comme l'éducation,
comme la santé, comme le travail et plein d'autres éléments, comme l'eau.
Je suppose qu'on en parlera.
Comme l'eau, cette ressource rare où on va trouver une forte corrélation
entre la vulnérabilité des femmes en milieu rural
et la question de la disponibilité de l'eau, par exemple.
D'accord.
Justement, est-ce que vous pourriez revenir
sur la question de quelle est la situation actuelle ?
Vous parliez de bouleversement lié aux changements climatiques,
mais est-ce qu'il y a aussi de nouvelles façons de vivre
pour ces femmes liées, je ne sais pas,
peut être aux nouvelles technologies qui font que les jeunes femmes rurales
ne vivent plus de la même façon que leur grand-mère par exemple ?
Absolument.
C'est d'ailleurs l'un des changements majeurs,
ne serait-ce que dans notre discours aujourd'hui,
nous ne parlons presque plus de femmes rurales,
mais nous parlons de femmes en milieu rural.
Justement, il est temps de dépasser certains clichés,
certains stigmates autour de cette femme qui évolue dans ce monde rural.
Nécessairement, dans le monde entier, cette femme est entrain de changer.
Dans les pays en développement, et en Tunisie aussi, il y a ce changement.
Il y a encore une énorme vulnérabilité
et j’espère qu'on aura l’occasion d’échanger là-dessus,
mais il y a en même temps une opportunité, et c'est là où lors de mes échanges,
lors de mes travaux, j'invite beaucoup les acteurs,
les agents tunisiens, le BIT,
d'autres partenaires à revoir un peu notre manière de faire.
Aujourd'hui, quand je prends le cas tunisien,
le taux d'équipement, par exemple,
des femmes en milieu rural en termes de téléphonie mobile
est quasiment de 90 %.
C'est des femmes qui sont équipées de téléphone
et avec qui on peut faire des choses mieux.
Par contre, il y a des choses à relever,
comme un déficit de l’accès à l’éducation.
Quand je vois un peu ce qui a été révélé dans le monde entier,
quand on parle du fait que 40 % des filles rurales
dans les pays de développements vont à l’école secondaire.
C'est-à-dire qu'à partir de l'âge de 11-12 ans,
malheureusement, 6 filles sur 10 abandonnent l'école
dans le milieu rural dans le monde.
Nous ne sommes pas si loin de ces statistiques
quand on prend l'exemple tunisien.
Il y a aussi une réalité économique
quand on parle de la femme en milieu rural,
on parle nécessairement de l'agriculture.
Dans le monde entier, quasiment 50 % de la main d’œuvre agricole
est une main d’œuvre féminine.
En Tunisie, on est à peu près 350 000 à 400 000 femmes
qui travaillent dans l'agriculture et elles sont nécessairement
dans le monde rural
avec un énorme challenge sur leur situation,
sur le fait d'avoir ce travail décent,
sur le fait que c'est un travail qui des fois n'est même pas reconnu
comme étant un travail,
mais qui est davantage dans une logique d'aide familiale.
C'est le plan de ces défis-là
que nous voudrions relever aujourd'hui en célébrant cette journée
sur comment améliorer le quotidien des femmes en milieu rural,
mais surtout comment répondre aux nouveaux besoins
et aux attentes de ces femmes en milieu rural
qui sont en train de changer dans le monde entier,
y compris en Tunisie.
Aujourd'hui, justement, il y a un avant COVID et un après COVID,
mais en Tunisie, je ne sais pas
comment les choses se sont passées ailleurs,
si nous avons survécu au premier confinement,
à la première phase de cette pandémie,
c'est surtout grâce à la femme rurale qui n'a pas arrêté de travailler.
Je trouve très révélateur le premier texte qui a été élaboré par notre gouvernement,
qui a été de dire :
« Il y a deux secteurs vitaux qui doivent continuer à travailler »
alors que tout le reste du monde en Tunisie était chez soi,
c'est l'agriculture et l'agroalimentaire.
Quand on parle d'agriculture, comme je l'ai évoqué,
c'est à peu près 40 % des salariés agricoles temporaire
ou permanent, mais c'est 60 % de ce qu'on appelle les aides familiaux,
c’est-à-dire c'est les exploitants ou les exploitations familiales agricoles.
Si on a pu manger et survivre,
c'est grâce à la femme qui vit en milieu rural.
Sauf que par la suite cette pandémie
nous a permis de constater beaucoup de défis,
beaucoup de chance pied par rapport à cette femme en milieu rural.
Je commencerai d'abord par l'accès au digital, l'accès aux connaissances.
Quand on parle de changement climatique, ce n'est pas des thèmes très éloignés
ou théoriques, non,
je vais vous parler des femmes ramasseuses de palourdes dans le Sud-est tunisien
ou dans la région de Sfax ou dans la région de Médenine.
Ces femmes-là qui aujourd'hui ramassent palourdes
et qui voient la saison se limiter
et qui fait que depuis deux ans maintenant,
ces femmes-là n'arrivent plus à exercer ce travail-là
et donc qui voient leurs revenus quasiment disparaître.
Quand on parle de non-accès au digital, c'est qu'aujourd'hui ces femmes
qui ne sont pas reconnues comme étant des travailleuses,
ne serait-ce que des travailleuses indépendantes.
C'est des femmes qui n'ont pas pu déposer
des demandes pour bénéficier d'un système d'aide sociale
au cours de la pandémie, et même après.
C'est des femmes qui sont dans l'informel et donc là,
on revient à un autre chantier qui nous attend,
c'est l'inclusion sociale.
Une enquête réalisée par une agence onusienne tout récemment
en Tunisie a démontré que c'est près de 10 % des femmes
qui sont dans le milieu rural,
qui bénéficient de ce que nous appelons la CNSS, c’est-à-dire la sécurité sociale,
qui soit incluse dans un système de prévoyance sociale,
qui bénéficient d'un système de remboursement
ou de couverture maladie et surtout,
le plus important, qu'elles bénéficient d'une pension de retraite.
Dernièrement, le dernier printemps, j'étais du côté du nord-ouest
dans le gouvernorat du Kef et je voyais--
c'est une image qui m'a marqué très honnêtement,
quand j'ai vu qu'il y avait une femme qui devait peut-être avoir 80 ans
et qui était obligée d'aller encore en montagne,
peut être avec sa fille
et peut être même avec sa petite-fille pour,
ramasser les plantes aromatiques et médicinales.
Peut-être qu'elle le fait par plaisir, je n'en sais pas,
on doit lui poser la question,
mais je ne suis pas sûr qu'elle ait une pension.
C'est là où je reviens effectivement et moi de même,
je suis d'origine rurale et c'est une fierté pour moi,
mais comme le disait Madame Leila,
il n’y a pas de problème sur la ruralité,
mais attention à la stigmatisation.
On avait des programmes à l'ancienne où on faisait, par exemple,
des centres de la fille rurale.
C'était à l'aube de l'indépendance, dans les années 60,
alors qu’aujourd’hui,
il faut comprendre le profil de ces femmes qui sont en milieu rural.
Aujourd’hui, il s'agit de fille, de jeune femme diplômée du supérieur
qui a fait ses études ailleurs et qui est revenue dans son village
et qui n'a pas forcément envie de reproduire
le même modèle de sa maman ou de sa grande mère.
Aujourd'hui, elle peut être ingénieure agronome,
développer des projets à valeur ajoutée,
être considérée autrement et de ne pas la limiter
à ce que j'ai tendance à appeler d'un point de vue sociologique
la continuité du travail domestique
et la laisser dans l'agriculture, dans les activités les moins valorisantes,
c’est-à-dire les activités peu rémunératrices
et qui sont estimées
comme étant la continuité de ce qu'elle fait chez elle.
Je voulais juste évoquer un dernier défi, peut-être on en parlera aujourd'hui
ou lors d'une future occasion, c'est l'inclusion financière
parce que ces femmes-là, aujourd'hui,
doivent avoir cette indépendance financière
au-delà de l'autonomie de son économie.
On va reprendre sur ce point-là.
Est-ce que vous voulez nous en parler ?
Effectivement.
Comme ça a été dit au tout début, comme vous l'avez si bien évoqué,
malheureusement, dans le monde entier, nous sommes dans cette situation
où moins de 20 % des propriétaires fonciers
sont des femmes.
Dans des pays comme le nôtre,
cette situation d'accès au foncier peut être beaucoup plus compliquée
parce qu'elle peut être liée à la question de l'héritage.
Dieu sait seul combien cette question de l'héritage des terres
est une problématique qui concerne un pays comme la Tunisie
et peut-être même l'Afrique du Nord.
Ce qu'il y a dans l'agriculture,
cette problématique du morcellement des terres,
mais en même temps,
cette problématique sociétale
qu'il est mal vu en société que la femme réclame son foncier
et que la femme puisse demander à détenir l'outil de production.
C'est la principale problématique de détenir le foncier,
c’est-à-dire avoir une terre agricole ou avoir les outils de production :
le tracteur, le puits.
On a parlé de la question de l'eau ;
avoir le moteur pour faire fonctionner le puits.
Par rapport à cette inclusion, l'accès au financement,
je parle toujours d'un paradoxe que j'ai appelé « le paradoxe de 30-70 »,
c’est-à-dire que quand on va voir tous les programmes de développement,
les programmes d'appui à la formation,
nous allons trouver 70 % de femmes et 30 % d'hommes.
Par contre, quand on va parler d'accès au financement,
on va trouver que c'est uniquement 30 % de femmes et 70 % d'hommes.
Pourquoi ?
Parce que la femme n'a pas de garantie à donner.
Pourquoi elle n'a pas de garantie à donner ?
Parce qu'elle n'a pas de terre.
Pourquoi elle n'a pas de terre ?
Parce que malheureusement encore, dans nos sociétés,
nous avons encore ce problème
en lien avec la question de l'héritage et tout ce qui tourne autour.
Effectivement aujourd'hui, il y a ce point important de travailler
sur des programmes de développement qui permettent d'améliorer l'accès
au financement des femmes, mais pas que.
Je ne sais pas si c'est l'occasion d'en parler,
mais c'est de comment faire
que les femmes en milieu rural travaillent sur des activités,
sur des maillons des chaînes de valeurs
qui leur permettent d'améliorer leur revenu
et de ne pas rester
sur ce qu'on appelle l'agriculture vivrière
ou des activités peu rémunératrices et peu valorisantes.
C'est lié.
Tout le défi est, comment faire ?
C'est ce qu'on n'arrête pas de faire,
notamment avec le projet que nous réalisons
avec l'Organisation Internationale du Travail,
c'est comment appuyer la femme là
où elle devrait être et pas uniquement là où elle est.
Comment faire que la femme travaille sur les chaînons ou les maillons
ou les activités de détention des outils de production, de transformation,
de commercialisation
et améliorer la valeur ajoutée de leur activité.
Si je résume un petit peu les propos
qui ont été les nôtres aujourd'hui chers invités,
je me rends compte que de nombreux défis
s'offrent à nous aujourd'hui lorsque l'on s'intéresse à l'avenir
de la femme rurale et à sa réalité.
L'accès à la protection sociale,
l'accès au digital, la reconnaissance même du travail
de cette femme rurale,
l'appui et l'aide face aux changements climatiques,
le développement vers des économies liées au développement durable
et peut-être à l'économie sociale et solidaire.
Nous n'avons pas eu le temps de parler assez aujourd'hui.
Tout ça m'amène vers madame Mhimdi, à qui je voudrais donner le dernier mot.
Madame Mhimdi, si aujourd'hui vous aviez un souhait, un rêve un peu fou à formuler,
quelque chose que vous voudriez voir se concrétiser,
est-ce que vous pourriez nous le partager ?
Oui. Tout à fait.
Moi, je salue monsieur Mohamed
qui a bien précisé surtout le problème de l'héritage.
Seulement, ce n'est pas seulement l'héritage,
malheureusement.
C'est aussi même, si nous sommes organisés et tout,
on ne peut pas avoir des financements pour les projets avec les femmes rurales.
Toujours, il y a un blocage avec les lois, avec tout.
Au moins, on a pris le chemin de l'économie sociale et solidaire.
On a beaucoup d'espoir sur cette loi
pour que les femmes puissent avoir l'autonomisation économique.
C'est ça, le démarre d'améliorer
la situation réelle de la femme rurale.
C'est très important d'avoir des propres projets
et on est là pour être ensemble,
pour trouver des solutions ensemble.
On a beaucoup d'espoir.
On aime notre pays,
on aime notre milieu rural et nos femmes rurales.
On est fières d'être Tunisiennes et femmes rurales.
La période de pandémie, on était sur le terrain.
Toutes les femmes travaillaient plus que les hommes.
Il y avait vraiment des choses qu'on a filmées même,
c'était extraordinaire
avec ces femmes qui ont beaucoup bataillé malgré le grand problème de COVID.
Je salue toutes les femmes rurales, je vous salue tout le monde
et on espère avoir un milieu rural comme un rêve,
comme sont bien dans leur maison,
dans leurs projets.
Merci.
Merci Madame Leila Mhimdi pour votre présence et ce témoignage,
j'allais dire de terrain.
Merci à vous.
Merci beaucoup, monsieur Mohamed Moscour pour ces propos,
cet éclairage et votre expertise.
Merci à vous et le plan de réussite.
Je terminerai en invitant nos auditeurs à,
s'ils veulent creuser la question des projets
et de tout ce que met en œuvre l'Organisation internationale du Travail
en matière de développement et d'appui au développement de la femme rurale,
d'aller sur le site
de l'Organisation Internationale du Travail, le site Web.
Vous trouverez vraiment une mine d'informations.
Je vous remercie tous et vous donne peut-être rendez-vous
pour un prochain épisode.
[musique]