[musique]
Bonjour et bienvenue dans le podcast
sur l'avenir du travail de l'Organisation Internationale du Travail.
Je m'appelle Anders Johnson et je vous viens d'Abidjan en Côte
d'Ivoire pour parler de et célébrer la journée mondiale de la justice sociale.
Cette journée internationale est célébrée chaque 20 février afin
d'attirer l'attention sur le besoin urgent de renforcer
la justice sociale dans le monde.
Ce qui implique des efforts
pour s'attaquer à des problèmes tels que la pauvreté,
l'exclusion et l'inégalité, le chômage,
l'absence de protection sociale, et cetera,
qui sont autant de défis à relever ici en Afrique.
L'une des choses qui rend ce continent si unique,
c'est l'âge de ses habitants.
Non, je ne fais pas référence au fait
que l'Afrique est le berceau de la civilisation humaine.
Je veux plutôt attirer l'attention sur le fait que la moitié de la population
du continent est âgée de 19 ans ou moins.
Comme on s'attend à ce que 1/4 de la population
mondiale soit africaine d'ici 2050, je pense que c'est juste de dire
que si le monde doit parvenir à la justice sociale,
cela dépendra en grande partie de la réalisation
de la justice sociale pour les jeunes africains.
C'est pourquoi nous sommes avec Jonas Bausch,
spécialiste régional de l'OIT pour l'emploi des jeunes en Afrique,
qui me rejoint aujourd'hui pour aborder cette question.
Tout d'abord, partons du principe que rien sur nous, sans nous.
J'ai le plaisir de vous présenter deux invités étonnants,
tous deux de jeunes africains qui font leur part pour faire
progresser la justice sociale pour leurs camarades jeunes.
Arame Gueye Sène au Sénégal et Souhail Stitou au Maroc.
Aram, Souhail, bienvenu dans ce podcast sur l'avenir du travail.
Merci beaucoup.
Merci pour l'invitation.
Merci Anders.
Pour vous, que signifie la justice sociale ?
Je vais peut-être débuter.
Quand on parle de justice sociale, pour moi, on parle surtout d'équité.
C'est un équilibre dans la distribution des ressources.
Pour moi aussi, c'est un accès équitable à des opportunités, à un emploi,
aussi aux droits qu'on a au sein d'une société qui doivent bien entendu
garantir pour chaque individu l'équité par rapport à ce dont il a droit.
Tout à fait d'accord avec Aram.
Peut-être, je souhaiterais ajouter que la justice sociale
représente également l'égalité au sein de la société.
Ça implique de reconnaître et de remédier aux disparités sociales flagrantes
qui persistent dans de nombreux domaines pour avoir ce qu'Aram a cité,
qui est l'équité en termes de ressources et d'opportunités.
Pour vos amis, pour vos camarades, la justice sociale,
en parlez-vous souvent ?
Peut-être qu'on ne met pas le mot dans les discussions
pour dire c'est un manque de justice sociale,
mais c'est clair que les jeunes subissent de plein fouet
le fait que nos États n'arrivent pas à atteindre cette justice sociale.
Que ce soit dans l'accès à l'éducation, la santé, l'accès à l'emploi.
Les taux de chômage sont assez élevés.
Ici, au Sénégal, on a une personne
sur deux en âge d'aller à l'école qui ne l'est pas.
C'est des choses qui sont vécues quotidiennement, massivement,
même si on ne peut pas mettre le mot justice sociale
dessus ou que ce n'est pas compris de cette manière,
mais c'est quelque chose de vécu.
Vous avez mentionné l'emploi.
Qu'est-ce que cela signifie pour vous d'avoir un travail décent ?
Dans mon contexte, pour avoir accès à un emploi décent,
il n'est pas juste question d'avoir accès
à un travail quotidien où vous avez
un salaire, mais ici,
il s'agit d'avoir aussi ses droits en tant que citoyen.
Par exemple, si vous êtes employé par quelqu'un,
il faut que vous ayez une assurance-maladie,
que si jamais vous êtes dans une situation de maladie,
vous avez droit à la santé,
que vous ayez la capabilité de construire une famille,
d'avoir la possibilité que vos enfants et vos proches
aient accès à l'éducation et la santé également.
C'est tout un package dont les citoyens en ont besoin pour se sentir
épanoui dans le travail qu'ils sont en train de faire.
Décent ne veut pas tout simplement dire avoir un job,
mais c'est un job qui vous accorde aussi des accès
à vos droits primordiaux pour avoir une vie décente.
Selon vous, qu'est-ce qui fonctionne pour aider
les jeunes à accéder aux opportunités ?
Ce qui fonctionne pour aider les jeunes,
je pense qu'il faut booster l'entrepreneuriat parce que c'est clair
qu'il n'y a pas assez d'emplois pour pouvoir
absorber tous ces jeunes diplômés ou pas,
qui arrivent sur le marché du travail par an.
L'entrepreneuriat qui est caractérisé principalement avec les emplois informels,
pour moi, il faut des programmes pour booster ça.
Après, je pense aussi à la promotion de la participation citoyenne.
Nous, dans notre organisation,
on travaille beaucoup sur tout ce qui est engagement citoyen,
tout ce qui est volontariat,
et je pense que c'est pourvoyeur d'opportunité.
Ça permet de renforcer son CV.
Ça permet de vivre des expériences
et d'apprendre des choses qu'on n'apprend pas
à l'université ou à l'école ou dans les autres types
de formations qu'on peut faire, qui ne sont pas formels.
Je pense principalement à ces deux aspects.
Au Maroc également, on a beaucoup de politiques de promotion
de l'entrepreneuriat des jeunes pour justement, comme a cité Aram,
encourager la création d'entreprises et favoriser l'innovation.
Nous avons plusieurs incubateurs
qui se sont installés au Maroc et des espaces
de coworking qui sont mis à la disposition pour soutenir les jeunes entrepreneurs.
Cependant, il y a aussi d'autres choses qui ont été mises en place,
qui sont d'abord les programmes de formation professionnelle et technique,
qui offrent aux jeunes la possibilité
d'acquérir des compétences pertinentes pour le marché de travail.
Ils sont souvent adaptés aux besoins spécifiques des secteurs en croissance,
comme par exemple le tourisme, et cetera.
On a aussi le rôle de la société civile qui joue
un rôle crucial sur l'implémentation de ces programmes, parce que souvent,
que ce soit les incubateurs ou les programmes de formation,
ce sont la société civile qui s'occupe de l'implémentation,
mais c'est souvent en coordination avec le secteur privé et public.
C'est grâce à l'accès aux fonds et aux financements.
C'est pour ça que je souhaite toujours souligner
qu'il est très important d'impliquer toutes
les parties de l'écosystème
et c'est quelque chose qui se fait au Maroc,
qu'on est en train d'essayer de faire,
qui est de mobiliser toutes les parties
prenantes vers la cause de la justice sociale.
Passons maintenant à la région africaine en général.
Jonas, quelle est la situation de l'emploi des jeunes en Afrique ?
Premièrement,
je voudrais bien commencer par dire que le défi le plus significatif
auquel les jeunes sont confrontés par rapport à l'emploi des jeunes,
c'est vraiment le manque d'emplois productifs et décents.
C'est tout d'abord un problème économique.
Ce n'est pas un problème des jeunes qui ne sont pas compétents,
qui ne sont pas motivés, qui n'ont pas des aspirations réalistes.
Non.
C'est un problème économique.
C'est-à-dire que la croissance en Afrique n'a pas été inclusive.
Elle n'a pas généré suffisamment d'emplois décents pour tout le monde,
et surtout pour les jeunes.
De plus, bien sûr aussi, on sait très bien qu'il y a un souci au niveau
des inStitoutions de formation, des écoles,
des universités où dans de nombreux cas,
on a l'impression qu'elles ne préparent pas adéquatement
les jeunes aux nouvelles opportunités d'emploi.
Est-ce que vous avez quelques-uns des chiffres,
par hasard, ou quelques exemples spécifiques ?
Ici, on a déjà entendu parler
de la grande majorité qui est dans l'informel.
Dans certains pays,
c'est au-delà de 90 % des jeunes travailleurs.
En plus, un jeune sur quatre en Afrique est ni en éducation,
ni en emploi, ni en formation, ce qu'on appelle les NEET.
Ce taux de NEET est considérablement
plus élevé pour les jeunes femmes que pour les hommes.
C'est 26 % en Afrique, mais 33 % pour les jeunes femmes.
C'est-à-dire qu'il y a une très grande partie des jeunes
qui n'ont pas des opportunités économiques,
mais aussi pas vraiment des opportunités pour prendre
encore plus d'éducation pour se qualifier.
Ça, c'est un souci,
parce que ça ne permet pas aux jeunes de réaliser leur potentiel.
Que recommande l'OIT pour améliorer la situation ?
Qu'est-ce qu'on a vu qui fonctionne ?
Si on constate que le problème ou le défi de l'emploi des jeunes,
c'est tout d'abord un problème économique aussi, logiquement,
les solutions doivent être des solutions au niveau d'économie.
Ça nécessite premièrement des politiques pro-emploi.
Pour être assez concret,
l'OIT a aussi beaucoup travaillé avec les pays pour mettre en œuvre
ce qu'on appelle des programmes actifs du marché du travail.
On a déjà entendu quelques exemples de nos invités,
par exemple des programmes sur la promotion de l'entrepreneuriat,
de mentorat, peut-être des services d'emploi.
On a fait une analyse à l'OIT pour voir quel
est vraiment l'impact de ces programmes.
Ce qu'on a vu, c'est que ces programmes marchent.
Ils marchent encore mieux si peut faire une combinaison des différents éléments,
par exemple un entrainement des compétences, mais aussi en même temps,
un service d'emploi qui engage et implique le secteur privé,
justement pour s'assurer qu'à la fin d'une formation,
il y a aussi un emploi qui attend les jeunes.
Est-ce que les propos qu'il a,
est-ce que ça correspond à ce que vous voyez chez vous ?
Il y a peut-être un point qui m'a interpellé.
C'est par rapport à la formation des jeunes
pour qu'ils aient accès à l'emploi.
Ça me rappelle des programmes que nous sommes,
avec la société civile, en train de lancer dans le pays,
qui sont des programmes de formation orientés vers les compétences
dont les jeunes ont besoin pour avoir un job en 2024.
Qui est le fait de développer par exemple,
la pensée critique et la résolution de problèmes,
l'accès et l'analyse de l'information,
l'agilité et l'adaptabilité, la communication efficace,
le leadership par influence,
la curiosité et l'imagination et l'initiative et l'entrepreneuriat.
Nous estimons qu'en développant des programmes axés vers cette compétence,
les jeunes aujourd'hui qui ont déjà leurs diplômes,
par exemple, certes, ils ont un diplôme,
mais qui ne leur donne pas facilement l'accès à l'emploi,
mais en ayant ces compétences que je viens de citer,
nous estimons que c'est plus facile
pour eux de s'intégrer dans le marché.
Dans ce que Jonas a dit, je pense vraiment, ce qui m'a beaucoup marqué,
c'est qu'il ait dit que les jeunes ont un potentiel.
Les jeunes sont qualifiés,
c'est juste qu'on ne leur offre pas la possibilité de pouvoir
avoir un emploi ou à pouvoir exploiter leur potentiel.
Ça, c'est vraiment le cœur de nous, ce qu'on fait,
vraiment, aider les jeunes à croire en eux,
à les aider à exploiter leur potentiel à travers
des formations complémentaires qu'on leur donne,
qui sont des compétences de vie.
Ça, c'est ce qu'on fait essentiellement,
mais aussi à travers des programmes différents.
On s'investit aussi dans la justice sociale en essayant
de créer des emplois et favoriser l'entrepreneuriat à travers,
soit l'incubation ou à travers également
les activités d'engagement citoyen aussi dont je parle,
qui permettent de développer aussi des expériences.
Je pense en tout cas que par rapport à la population
de nos pays et africaines de manière générale,
il y a vraiment toutes les parties prenantes, comme Souhail disait,
doivent vraiment se mettre ensemble pour trouver des solutions.
Parce que la solution ultime ne viendra pas d'une seule partie prenante.
Jonas, pour revenir vers vous,
que fait l'OIT pour impliquer les jeunes comme nos
invités dans la recherche de solutions ?
Comme on a déjà mentionné,
les jeunes jouent vraiment un rôle critique dans la formation
du monde du travail et sont un partenaire clé.
C'est-à-dire la conception,
la mise en œuvre des politiques, des programmes,
qu'on peut faire ça ensemble et qu'on peut privilégier la co-création.
Est-ce que vous avez des exemples concrets
que vous pouvez partager avec nous ?
Au cours de la dernière année, l'Union africaine et l'OIT,
nous avons développé une stratégie d'emploi
des jeunes pour l'Afrique.
Nous n'avons pas fait ça tout seul.
On a fait ça en pleine étroite collaboration
avec des organisations gérées par des jeunes.
Ça, c'est un exemple.
Un autre exemple concret, c'est qu'au Nigeria,
on a travaillé ensemble avec une organisation
qui s'appelle Réseau des jeunes ODD du Nigeria,
avec lesquels on a développé un programme de formation
sur des compétences numériques.
On a parlé des soucis au niveau des compétences avant.
Ça, c'est un exemple.
On était le partenaire financier et technique,
mais c'était géré par une organisation des jeunes avec beaucoup de succès.
C'était non seulement l'entraînement,
mais c'était aussi la collaboration avec des entreprises du secteur privé,
pour après, d'organiser des apprentissages ou des stages pour des jeunes.
Aussi, à l'avenir, pour nous,
ça sera important de voir comment on peut impliquer
la jeunesse en Afrique dans la discussion
sur la justice sociale et pour s'assurer que leurs
voix sont bien entendues.
Aram, Souhail, que pensez-vous de ça ?
Je ne sais pas si je peux me permettre de commencer.
Il est pour moi essentiel de reconnaître
que les jeunes représentent l'avenir de nos sociétés
et qu'ils méritent d'avoir accès à des opportunités
équitables pour réaliser leur plein potentiel.
Pour soutenir les jeunes dans leur quête de justice sociale et d'emplois décents,
nous devons investir dans trois choses
qui sont d'ailleurs un résumé de tout ce dont on a parlé précédemment.
La première des choses, c'est l'éducation de qualité.
La deuxième des choses, c'est la formation professionnelle.
La troisième des choses, c'est le développement des compétences.
Pourquoi je cite ces trois points ?
Parce que mon travail dans mon pays est autour de l'éducation,
j'estime que c'est un droit, c'est ce qui accorde,
dans un premier temps, l'accès à la justice sociale.
Il est crucial aussi de créer un environnement économique favorable
à la création d'emplois durables et à la croissance inclusive.
Enfin, nous devons encourager la participation active
des jeunes dans les processus décisionnels
et leur donner une voix dans la construction
d'un avenir plus juste et équitable pour tous.
Ça, ça peut tout simplement, par exemple,
se voir dans le fait que Aram et moi participons par exemple dans ce podcast.
Je vous remercie pour l'invitation.
Oui, je suis totalement d'accord avec tout ce que Souhail a dit.
Ce que je rajouterais juste, c'est par rapport à l'entrepreneuriat,
l'encourager fortement parce que la plupart des jeunes
ou des citoyens tout courts évoluent dans le secteur informel.
C'est important d'écouter les jeunes, de les impliquer.
Pour finir, je lancerai juste un appel pour dire qu'ensemble,
je pense qu'on peut collaborer de manière inclusive afin
de rêver et de créer un environnement où les jeunes pourront
réaliser leurs aspirations et contribuer de manière significative à la société.
Merci à vous tous.
Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons aujourd'hui.
Merci beaucoup à Aram et Souhail de nous avoir rejoint.
-Merci. -Merci de nous avoir invités.
Je vous remercie d'avoir écouté ce podcast
sur l'avenir du travail de l'OIT.
J'espère que vous nous rejoindrez la semaine prochaine aussi.
Merci et au revoir.
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