[musique]
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des voix de l'OIT,
un podcast de l'OIT où nous abordons les problèmes
et les problématiques du monde du travail, les profondes transformations
qu'il est en train de vivre et bien sûr les effets de la pandémie.
Nous allons parler aujourd'hui des services des soins.
L'économie des soins est en pleine croissance,
car les besoins de garde d'enfants ou de soins aux personnes âgées
augmentent un peu partout dans le monde,
il est donc susceptible de créer un grand nombre d'emplois
dans les années à venir,
mais les services à la personne sont souvent peu,
voire non rémunérés
et ne bénéficient d'aucune prestation ou d'avantages sociaux.
Il faut donc changer les choses.
L'OIT vient de publier à ce sujet un rapport
dans lequel elle affirme qu'un investissement accru dans les soins
pourrait créer près de 300 millions d'emplois.
Nous allons parler de tout ceci aujourd'hui avec Laura Addati,
spécialiste de l'OIT en protection de la maternité
et des politiques familiales.
Bonjour Laura, merci d'être avec nous.
Bonjour Isabelle, merci.
Les personnes qui assurent les soins font un travail difficile,
parfois très difficile et qui est souvent mal payé.
Leurs compétences ne sont pas reconnues.
Nous avons besoin de plus de personnels soignants,
mais comment faire pour faire que cette filière soit plus attrayante,
en particulier pour les jeunes par exemple?
Les emplois de soins rémunérés ne sont pas valorisés
selon les qualifications, les efforts et les conditions de travail,
parce qu'en fait ils sont perçus
comme une prolongation du travail de soins non rémunéré,
qui pour la plupart est réalisé par des femmes partout dans le monde.
La pandémie nous a fait prendre conscience du caractère vital du travail de soins
pour la résilience et le fonctionnement, mais aussi le bien-être des familles,
mais aussi des entreprises et des économies.
Ce travail est vital.
C'est pour cela que le rapport appel à une action urgente
pour promouvoir les investissements dans les politiques de soins,
pour effectivement palier aux écarts
que le rapport présente en matière de politique de soins.
Effectivement, il n'y aura pas de reprise centrée sur l'humain,
ni un monde du travail plus égalitaire, sans une transformation radicale
de la façon d'organiser le travail de soins rémunéré et non rémunéré.
Ces investissements dont vous nous parlez, exigent que les gouvernements
pensent sur le long terme, ce qui n'est pas toujours évident
et ils doivent aussi tenir en compte le fait que nos sociétés vieillissent
de plus en plus vite.
Nous allons avoir de plus en plus de personnes âgées
en pourcentage de population.
Nous allons avoir besoin de plus en plus de services de longue durée
pour les personnes âgées, qui vont vivre de plus en plus longtemps.
Comment pouvons-nous nous préparer pour l'avenir?
Les services de soins de longue durée, comme vous l'avez dit, sont essentiels
pour les personnes âgées, mais aussi pour les personnes handicapées.
Elles doivent comprendre une palette de soins et de services,
soit de santé, mais aussi des services
qui sont fournis par des travailleurs de l'économie du soin,
qu'ils soient bien payés, qu'ils soient bien formés,
dans le cadre de soins résidentiels, le service de jour communautaire,
mais aussi soins à domicile.
Cela est important pour garantir le droit de vieillir en bonne santé
et dans la dignité pour les personnes âgées, mais aussi,
le droit à une vie indépendante aux personnes handicapées.
Cependant, le rapport montre que ces services restent
inaccessibles ou inadéquats
pour la grande majorité des personnes qui en ont besoin.
Ce qui expose aussi ces personnes, mais aussi leurs familles
à la pauvreté et aussi aux difficultés financières.
Par exemple, le rapport montre
que seulement 89 pays prévoient dans leur législation,
des services publics de soins de longue durée
pour les personnes âgées et seulement 29 d'entre eux
prévoient que ce service, ce soit un droit universel.
Qu'est-ce qu'on préconise?
On préconise la reconnaissance dans la loi,
d'endroit à des services de longue durée, de bonne qualité.
Aussi, des investissements adéquats dans ce secteur,
pour que tous les besoins soient couverts.
Ce qui est vraiment urgent, est de mettre en place un continuum
de politique de congé pour soins et de service de soins
qui couvre tout le cycle de vie
pour répondre aux différents besoins de soins
et que cela réponde aux besoins de sécurité de revenu des familles,
qui permettent aux femmes de maintenir leur participation à l'emploi,
mais aussi d'éviter qu'elles tombent dans la pauvreté.
Justement, parlons du cycle de vie,
puisque là, nous avons parlé plutôt de fin de cycle.
Parlons de début de cycle,
parlons de congé de maternité et de paternité,
de protection de la maternité et de la paternité.
Pas tous les pays nous donnent des congés de maternité,
mais très peu de pays donnent des congés de paternité
et beaucoup d'hommes ne prennent pas ces congés. Alors, pourquoi?
Le rapport montre qu'il y a eu des progrès dans ce domaine.
Une évolution positive effectivement est la reconnaissance croissante
des droits et des responsabilités des hommes en matière de soins.
On trouve qu'au niveau mondial, 115 pays offrent un droit de congé de paternité.
Cela représente 33 nouveaux pays qui l'ont fait depuis 2011.
Malheureusement,
il y a encore beaucoup d'hommes qui n'ont pas accès à ce congé.
2/3 des pères potentiels que nous définissons
comme les hommes âgés entre 15 et 49 ans,
soit 1,26 milliards d'hommes, vivent dans des pays
où le congé de paternité est inexistant.
Aussi, lorsqu'il existe, le congé de paternité
est beaucoup plus court que le congé de maternité,
soit une moyenne mondiale de neuf jours.
Si on le compare à la moyenne mondiale de congé de maternité,
qui est de 18 semaines, notons ce qu'on appelle
un écart de genre dans les congés, qui est très important.
Parce que les femmes ont tendance à être pénalisées.
Oui. C'est-à-dire qu'elles sont pénalisées,
parce que professionnellement, si normalement la maternité arrive
à un âge où elles peuvent avoir plus d'opportunités.
En plus, en ce concerne la répartition des tâches,
c'est toujours aux femmes qu'incombe plus la tâche de garde des enfants.
On l'a vu quand même pendant la pandémie,
où les femmes d'un seul coup se sont retrouvées à la maison
et finalement, ont fait plus les tâches ménagères
et les tâches de garde d'enfants
que les hommes, même si nous parlons de couples jeunes.
Comment pouvons-nous parvenir à
un monde de travail plus égalitaire en matière de garde d'enfants
où les tâches se répartissent un petit peu mieux entre hommes et femmes?
Cela est très important.
Je voulais aussi répondre au fait qu'effectivement,
le congé de paternité n'est pas très utilisé,
parce qu'en raison de la faible rémunération.
Aussi des normes de genre qui pénalisent les pères,
qui prennent du temps pour s'occuper
des enfants ou d'autres personnes indépendantes.
La formulation des politiques est fondamentale
pour garantir la participation des pères et des hommes en général,
dans les soins.
En ce qui concerne la garde des enfants,
effectivement les services de garde d'enfants--
Fournir des services de garde d'enfants, en droit universel à
des services de garde des enfants, qu'ils soient
de bonne qualité et accessibles
est fondamental et présente de nombreux avantages
que le rapport présente.
Ils favorisent le développement de l'enfant et créent des emplois
et réduisent le travail de soins non rémunéré des parents,
en favorisant l'emploi et le revenu des femmes tout au long de la vie.
Pour la première fois, le rapport examine les lois
relatives aux services de garde d'enfants et de soin de longue durée.
On trouve que seulement 57 pays
sur 178 disposent d'une offre légale
d'école pré-primaire pour les enfants âgés de 0 à 2 ans
et seulement 21 pays--
Dans 21 pays, ce droit est considéré comme un droit universel.
Cela signifie que l'accès à des services de garde d'enfants gratuits
et abordables n'est possible que pour seulement 1 parent potentiel
sur 10 dans le monde, cela doit changer, effectivement.
On voit quand même qu'avoir, pour une femme, des enfants,
c'est toujours un peu pénalisant,
surtout pour les femmes qui n'ont pas les moyens.
C'est pénalisant économiquement, ça peut pénaliser professionnellement
et même si ça fait des années qu'on parle de ce sujet,
il n'y a toujours pas de solutions idéales en ce moment, on est loin de ça.
Effectivement, il y a plus à faire au niveau des politiques de soins.
Parce que le rapport préconise effectivement de remplir
ce déficit global dans les politiques de garde des enfants,
à partir effectivement de la grossesse, avec une protection de maternité
universelle pour toutes les femmes, spécialement celles qui sont
dans des emplois précaires, qui sont dans l'économie informelle,
qui sont indépendantes et le rapport met un accent
sur toutes ces catégories d'emploi qui sont mises à l'écart des lois
et aussi de l'application des lois
et n'ont pas accès à ces protections juridiques.
Nous voyons par exemple, que le droit à l’allaitement
n'est pas garanti, parce que le monde du travail n'est pas adapté
pour permettre que les femmes reprennent le travail
et puissent continuer d'allaiter leurs enfants,
mais aussi donnons un espace aux pères pour appuyer l'allaitement
à travers un rôle actif dans cette pratique de santé.
Effectivement, nous voyons que, soit les enfants sont pénalisés,
soit les parents souffrent
de ne pas pouvoir garantir les soins adéquats à leurs enfants.
Pour parfois pouvoir être à la fois professionnels et parents.
C'est hélas un débat et
un inconvénient qu'ils doivent gérer tous les jours.
Justement, si on a besoin de plus de travailleurs de soins à la personne
et que l'on doit valoriser leur travail, non seulement économiquement,
mais aussi leur offrir les protections légales existantes,
les droits aux congés payés, les droits quand ils n'ont pas de travail.
Comment peut-on faire pour faire qu'ils les aient,
que les protections légales existantes soient plus efficaces
et concernent ces travailleurs de soins à la personne ?
Comme prévu, par exemple, par la déclaration du centenaire de l'OIT
mais aussi l'appel mondial à l'action en vue d'une reprise centrée sur l'humain,
mais aussi, récemment, par le rapport du Secrétaire général des Nations Unies
dans notre programme commun,
il faut vraiment des investissements de grande échelle
dans l'économie de soins, de façon urgente.
Il existe en fait, un argumentaire d'investissements très solide,
présenté dans le rapport, pour promouvoir un congé égalitaire entre les sexes,
des services universels de garde d'enfants et des services de longue durée.
Nous estimons que jusqu'à presque 300 millions d'emplois
pourraient être créés d'ici 2035, grâce à un investissement annuel
de 5.4 milliards de dollars,
soit 4.2 % du PIB annuel total.
Une partie de ces coûts pourrait être compensée
par une augmentation aussi des recettes fiscales
provenant des revenus et des emplois supplémentaires créés.
Il y a vraiment un argumentaire fort,
pour mettre le paquet sur les services à la personne.
Effectivement, nous sommes,
comme aussi le Secrétaire général des Nations Unies l'a dit,
à un tournant historique.
Il faut opter pour un scénario transformateur,
un scénario, comme on dit, de ruptures avec des investissements
de large échelle pour la prise en charge de ceux qui ont besoin de soins
et aussi de ceux qui s'en occupent.
C'est important que tout le monde s'engage dans cette démarche,
à travers des dialogues nationaux avec les gouvernements, les employeurs,
les travailleurs et leurs organisations représentatives,
mais aussi de ceux et celles qui reçoivent et fournissent des soins.
C'est essentiel qu'ils soient à la table de la prise de décision,
que leur voix soit écoutée, pour pouvoir transformer la façon
dans laquelle l'économie des soins est organisée.
Oui, absolument. C'est un débat auquel nous ne pourrons pas échapper.
En ce moment, c'est plutôt les familles qui font face toutes seules
à ce genre de problèmes.
C'est quelque chose qu'il faudra résoudre
et c'est donc un vaste chantier
dans lequel les gouvernements devront investir.
Merci beaucoup, Laura, pour votre point de vue
sur la situation actuelle.
Nous avons parlé avec Laura Addati, spécialiste de l'OIT
en protection de la maternité et des politiques familiales.
Nous continuerons à parler des changements dans le monde du travail
dans les prochaines semaines.
Pour l'instant, c'est au revoir et à bientôt
pour un prochain épisode des voix de l'OIT.
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