-Bonjour et bienvenue
dans ce premier épisode des Voix de l'OIT.
Un nouveau podcast de l'OIT
où nous allons parler des problèmes
et des problématiques du monde du travail,
des profondes transformations qu'il est en train
de vivre en ce moment,
et bien sûr des effets de la pandémie.
[musique]
Nous allons aborder aujourd'hui le sujet
de l'écologisation du monde du travail
et de la création d'emplois verts.
Après le Covid-19, cette transformation
de l'économie pourrait créer des millions d'emplois.
Cependant, il faudra mettre
en place les bonnes politiques
pour garantir qu'il s'agisse d'emplois décents.
Cela risque d'être assez compliqué.
[musique]
Nous allons aborder ce sujet avec Moustapha Kamal Gueye,
coordonnateur du programme des emplois verts de l'OIT.
Bonjour Moustapha.
-Bonjour Isabelle.
-Moustapha, expliquez-nous
qu'est-ce que c'est exactement qu'un emploi vert ?
-Un emploi vert, c'est un travail décent.
Comme cela se fait dans des divers secteurs de l'économie,
qu'il s'agisse du secteur primaire comme dans l'agriculture,
les industries ou le tertiaire,
le secteur des services,
mais en plus d'être un travail décent,
c'est un travail qui contribue
à résorber un certain nombre
de problématiques environnementales.
Il peut s'agir, par exemple,
de la gestion des déchets ou du recyclage.
Il peut s'agir dans le secteur de l'industrie
de l'efficacité énergétique aussi bien dans le bâtiment,
ou bien il peut s'agir de mode
de productions agricoles qui sont beaucoup plus sensibles
aux problématiques environnementales.
C'est un travail décent,
mais qui contribue à l'agenda environnemental.
-C'est vrai que nous avons déjà quelques exemples
de ce genre d'emplois verts.
Par exemple, en Afrique, 21 pays
et organisations internationales
ont élaboré le projet de la Grande Muraille Verte,
qui a pour but de réhabiliter 100 millions d'hectares
de terre et de stopper l'avancée du désert du Sahara.
Une initiative conjointe qui vise
à assurer la sécurité alimentaire de 20 millions
de personnes et de créer 350 000 emplois.
En Allemagne, nous avons aussi un autre exemple.
Un projet de forêt urbaine et de restauration de l'écosystème,
qui réunit 19 villes allemandes
et a déjà permis de créer plus de 100 000 emplois.
En Amérique Latine, un rapport récent
de l'OIT et de la banque interaméricaine
de développement montre que la transition
vers un modèle économique fondé sur zéro émission
en net de carbone permettrait de créer 15 millions
de nouveaux emplois pour la région d'ici 2030.
L'Amérique Latine, rappelons-le,
la région qui a la plus grande biodiversité de la planète.
Maintenant, le défi est quand même de mettre en place tous
ces emplois verts et de saisir l'opportunité
que nous offre la terrible crise du Covid
pour aussi rééquilibrer notre relation vis-à-vis
de l'environnement afin de créer ces emplois verts.
C'est tout de même un objectif extrêmement ambitieux
dans les circonstances actuelles.
-Oui, évidemment.
Dans le contexte actuel de crise causée
par la pandémie de la Covid-19,
nous sommes dans une crise économique.
Généralement, ce qu'on observe
dans des crises économiques,
c'est que les États mettent l'action sur l'aspect économique,
la résilience sociale.
Parfois, l'agenda environnemental
est laissé comme une priorité de seconde zone.
Par contre, ce que cette pandémie a révélé,
c'est le lien étroit qui existe entre les questions sanitaires,
les questions sociales et les questions environnementales.
Cela fait que dans beaucoup de cas,
les États ont essayé la redynamisation
des économies à prendre
en compte la dimension environnementale,
d'aller vers des plans
de relance économique verts comme on dit.
Le secrétaire général des Nations Unies,
lui-même, a mis en avant un plan
d'action autour de six axes,
qui peuvent avoir des contributions positives
sur le climat aussi bien que sur l'économie et la société.
Un de ces points,
c'est effectivement la promotion
des emplois verts.
-Tout ceci, c'est quand même très compliqué
à mettre en œuvre surtout
dans les circonstances actuelles.
Y-a-t-il des pays ou des régions
qui sont mieux préparés que d'autres ?
-Disons en termes de relance économique verte,
nous voyons des opportunités
dans les différentes régions du monde
en fonction de leurs contextes et de leurs besoins.
Par exemple, vous prenez le cas d'un pays comme Singapour.
Singapour est un pays qui importe beaucoup
de ses besoins alimentaires.
Avec cette crise et toute la difficulté
qu'il y a eu dans les chaînes d'approvisionnement,
Singapour a décidé de promouvoir l'idée d'assurer
au moins 30 % de ses besoins nutritionnels d'ici 2030
avec une production locale,
ce qu'on appelle l'agriculture urbaine.
C'est souvent un modèle d'agriculture
qui est très écologique,
qui est sensible aux préoccupations environnementales.
C'est quelque chose qui mobilise
des citoyens dans des villes avec un état
de conscience assez élevé.
Il y a des villes comme Milan, par exemple,
qui ont décidé en raison de la pandémie
et du besoin de limiter la circulation dans les véhicules,
dans les transports publics pour éviter la contagion.
Beaucoup de gens ont fait recours à des vélos,
à des modes de transport de cette nature.
Les villes se sont rendues compte
qu'il faut effectivement renforcer les systèmes
et l'infrastructure pour des modes de transport
qui sont plus sobres en carbone.
Ça se voit dans beaucoup de villes à travers le monde.
Si on regarde du côté africain,
on a pu noter que dans beaucoup de pays,
pour mettre en place des systèmes de lavage
des mains sans avoir de contact,
des jeunes femmes et hommes ont mis
en place des systèmes de nettoiement et de lavage
sans contact avec des produits recyclés.
Tout ça va ouvrir des perspectives de développement
de petites et moyennes entreprises
dans ces nouveaux domaines de production économique.
En fonction des contextes, les opportunités varient,
mais de manière générale
il y a des opportunités partout
où on regarde à travers le monde.
-Ce sont des exemples extrêmement intéressants
et des initiatives,
mais en même temps il faut aussi souligner
que pour les emplois verts ne sont pas automatiquement
des emplois décents.
Il faut qu'ils soient encadrés
par des politiques appropriées.
C'est bien ça ?
-Oui, effectivement.
Il y a ce qu'on appelle des emplois verts,
parce que c'est des emplois qui sont
dans des secteurs considérés comme verts,
la gestion forestière,
la gestion des déchets et le recyclage et cetera,
mais où il y a des risques de santé et sécurité au travail.
Par exemple, dans le recyclage
des produits électroniques qu'on voit
dans beaucoup de parties du monde, les ordinateurs,
les réfrigérateurs et cetera,
c'est une activité de recyclage,
mais qui se fait dans des conditions totales
d'absence de décence au sens du travail décent
et parfois un travail des enfants.
Cela veut dire qu'il faut une réglementation
pour s'assurer que même lorsqu'on opère
dans des domaines liés à l'environnement,
que les normes internationales
du travail soient respectées
et que nous soyons effectivement
dans le cadre de travail décent.
-Il y a aussi une autre problématique.
C'est la reconversion vers une économie plus verte,
plus écologique, risque aussi de détruire des emplois.
Est-ce que nous allons réussir
à créer suffisamment d'emplois verts
pour compenser des pertes dans d'autres secteurs ?
-Les études que l'OIT a mené pour essayer
de comprendre la nature ayant peur
des changements qui pourraient s'opérer
dans le monde du travail en conséquence
de la transition écologique nous indiquent
qu'il y aura grosso modo trois types de changements.
Il y aura une création de nouveaux emplois,
il y aura un risque de perte de certains emplois,
mais aussi important,
il y aura une transformation du monde
du travail dans son ensemble,
de la façon dont le travail est effectué
pour être beaucoup plus économe
dans l'utilisation de l'énergie,
des matériaux et cetera dans tous les secteurs d'activité.
Ce qui est important,
c'est que le potentiel de création
de nouveaux emplois est beaucoup plus significatif
que le risque de perte d'emplois tels
que nous les avons estimés;
l'OIT a estimé, par exemple,
en allant dans une économie sobre en carbone,
une économie circulaire,
il est possible de créer jusqu'à 100 millions d'emplois.
Cependant, 80 millions
d'emplois pourraient être à risque
dans ce processus de transition.
Dans le domaine de l'énergie,
par exemple, nous avons mesuré
qu'il y a un potentiel pour 25 millions
de nouveaux emplois,
mais que 7 millions d’emplois
dans des secteurs d’énergies fossiles pourraient être
perdus s’il n’y a pas d’effort
d’une requalification des travailleurs
pour assurer une reconversion professionnelle.
Il est possible de le faire avec les politiques
d’accompagnements nécessaires aussi bien
pour les travailleurs que pour les entreprises.
-Je vois donc que ça ne va pas
être une transition très facile,
mais il va falloir continuer sur cette lancée.
Merci Moustapha pour toutes ces explications.
C’est ainsi que nous finissons notre premier podcast.
Nous continuerons à parler des changements
dans le monde du travail dans les prochaines semaines.
Pour l’instant, c’est au revoir
et à bientôt pour un prochain épisode des Voix de l’OIT.
[musique]