Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des voix de l'OIT,
un podcast de l'OIT où nous abordons les problèmes et les problématiques
du monde du travail,
les profondes transformations qu'il est en train de vivre et bien sûr,
les effets de la pandémie.
[musique]
Nous allons aborder aujourd'hui le sujet des inégalités dans le marché
de l'emploi.
Au cours de ces dernières décennies, l'inégalité est devenue
un sujet de préoccupation majeure.
Les retombées sociales et économiques de la pandémie du Covid-19
ont accentué cette préoccupation.
Pourquoi les inégalités sont-elles si importantes ?
Parce qu'elles peuvent avoir un effet néfaste
sur la croissance économique, elles peuvent accroître
les tensions sociales et créer un sentiment d'injustice.
Les inégalités sont un sujet très vaste.
Nous allons aborder aujourd'hui un aspect en particulier,
celui des inégalités entre les travailleurs
de l'économie formelle
et les travailleurs de ce que l'on appelle l'économie informelle,
où évoluent 2 milliards de travailleurs, soit plus de 61 %
de la population active mondiale.
[musique]
Pour en parler avec nous aujourd'hui, nous avons Florence Bonnet,
qui est spécialiste du marché du travail de l’OIT.
Bonjour Florence. -Bonjour Isabelle.
-Commençons par une petite mise au point.
De quoi parle-t-on quand on parle d'inégalités ?
On ne peut parler d'inégalités horizontales
entre riches et pauvres, inégalités verticales
entre différents groupes sociaux, d'inégalités de genre.
Florence, donnez-nous une petite définition.
-Vous avez déjà donné pas mal d'indications
sur ce que sont les inégalités.
C'est la première chose que je voudrais dire,
c'est qu'il n'est pas question d'inégalités au singulier,
mais d'inégalités au pluriel, avec différentes formes d'inégalités.
Quand on parle d'inégalités, ce qui est important de savoir,
c'est d'inégalités de quoi ?
Est-ce qu'on parle par exemple, d'inégalités des salaires
sur les salariés,
d'inégalités du revenu du travail en général,
c'est-à-dire les salariés et les travailleurs indépendants,
ou d'inégalités du revenu total, y compris la redistribution
ou les transferts sociaux et le paiement des impôts ?
Il est aussi important de savoir si on parle d'inégalités de résultat,
donc typiquement le résultat ou le revenu, ou d'inégalités des chances.
Là, on regarde, est-ce qu'il y a effectivement
une possibilité de mobilité sociale intergénérationnelle ?
Enfin, quand on parle d'inégalités, et c'est ce que je dis tout à l'heure,
on parle aussi d'inégalités pour qui ?
Là, il est question d'inégalités entre les pays
et d'inégalités au sein des pays, entre différents groupes de travailleurs.
C’est les inégalités horizontales ou de haut en bas entre les riches
et les pauvres.
Vous avez mentionné tout à l'heure, justement, inégalités verticales
et horizontales.
C'est une façon aussi de regarder les différentes inégalités
au sein d'un même pays.
On va par exemple, regarder les inégalités entre hommes et femmes,
les inégalités entre les jeunes et les plus âgés,
ou les inégalités entre différents groupes selon l'origine ethnique,
l'origine familiale.
-Aujourd'hui, nous allons parler des inégalités
entre les travailleurs de ce qu'on appelle l'économie formelle
et les travailleurs de l'économie informelle.
D'abord, une autre petite définition.
De qui parle-t-on quand on parle de travailleurs informels ?
-Quand on parle de l’informalité, on parle vraiment de diverses réalités.
Ce qu'il faut savoir, c'est que l’informalité,
elle est partout, à la fois dans les pays développés,
les pays en développement et les pays émergeants,
bien que l'ampleur de l’informalité est plus présente
dans les pays en développement et les pays émergents.
Par exemple, si on prend différents exemples
pour bien comprendre que l’informalité peut être partout,
en France, en Espagne, au Portugal,
l’informalité peut être typiquement des travailleurs salariés
en emplois non déclarés, y compris dans des entreprises formelles.
Ça va être typiquement des travailleurs dans le secteur de la construction,
dans l'hôtellerie, la restauration, typiquement des travailleurs,
en emplois occasionnels, temporaires, c'est-à-dire à durée indéterminée
ou dans des emplois plus précaires.
Ce qui veut dire que leur emploi n'est pas déclaré auprès des institutions
du travail, au auprès de la Sécurité sociale.
Ça veut dire qu'aucune cotisation n'est faite en leur nom.
Ce qui veut dire que, par exemple, s'ils perdent leur emploi,
ou s'ils sont dans l'incapacité de travailler
en cas d'accident du travail, ces travailleurs ne vont pas recevoir
la protection sociale auquel ils auraient dû avoir droit.
Dans les pays développés, ces travailleurs,
pour la plupart, entrent dans le cadre de la loi.
C'est-à-dire qu'ils ne sont pas exclus du cadre de la loi,
mais cette loi n'est pas mise en pratique dans les faits.
De fait, ils n'ont pas accès à une protection adéquate
quand ils en ont besoin.
Un autre exemple d'informalité et là, c'est pour insister sur d'autres sources
d’informalité, peuvent mettre les travailleurs domestiques.
Les travailleurs domestiques sont très exposés à l'informalité,
plus de 8/10 sont en emploi informel.
Ça concerne à la fois les pays développés et les pays en développement.
Pour nombreux de travailleurs domestiques, la source d’informalité n'est pas
dans la mise en pratique de la législation,
mais ils sont exclus d'emblée de certaines législations
donnant accès à certaines protections.
Par exemple, dans les États arabes, l'ensemble des travailleurs domestiques
n'ont pas droit, selon la loi, à des congés de maternité rémunérés.
Ce qui veut dire qu'avant de penser à la mise en application
de la législation, pour eux, il est question d'étendre la législation
pour qu'ils soient effectivement ouverts.
Maintenant,
j'ai donné deux exemples d'emplois salariés informels.
Ce qu'il faut savoir, c'est que la majorité
des travailleurs informels ne sont pas des employés salariés.
Il s'agit d'indépendants.
Les salariés représentent 36 % de l'ensemble de l'emploi informel.
Quand on parle d'informalité, en particulier dans les pays
en développement,
on parle de travailleurs qui sont le plus souvent
à leur propre compte.
Un cas typique d'informalité, ça va être par exemple les vendeurs
de rue qu'on va trouver dans les grandes villes d'Afrique,
d'Asie ou d'Amérique Latine.
Par exemple, la vendeuse de fruits et légumes,
mais aussi des artisans couturiers, garagistes,
dont l'activité n'est pas enregistrée, non légalement reconnue.
Ce qui veut dire que non seulement elle n'est pas conforme
aux obligations que cela entraine, mais elle ne va pas bénéficier
non plus des avantages que peuvent accompagner
la formalité.
Ça, typiquement, on le voit très bien dans le cas de la crise
de la Covid-19 maintenant, c'est-à-dire que les mesures
qui s'adressaient aux petites entreprises
s'adressaient à ceux qui étaient enregistrés et légalement reconnus.
Si on est informel, invisible des institutions,
il est extrêmement difficile d'être atteint par ces mesures.
Ce que je voudrais dire à travers ces exemples, c'est que l'informalité,
elle est vraiment diverse.
Elle recouvre des réalités vraiment différentes,
mais par contre tous ces travailleurs informels
ont tendance à avoir une caractéristique commune importante.
Ces travailleurs ne sont pas reconnus, ne sont pas suffisamment protégés,
ce qui veut dire que ça les rend plus vulnérables
et que tous, qui qu'ils soient,
ont à différents degrés des déficits de travail décent.
-Plus vulnérables, et je pense que vous avez dit une parole clé
qui est invisible.
Je pense que la pandémie a montré cette invisibilité d'une certaine manière,
parce que l'on a vu ces travailleurs informels,
avec souvent des emplois les plus risqués,
qui travaillaient dans des conditions précaires,
et comme vous l'avez dit, qui n'ont aucune sorte de protection,
et qui font quand même tous les travaux nécessaires
avec des inégalités totales de conditions vis-à-vis d'autres travailleurs,
donc des travailleurs qui sont là, mais qui d'une certaine manière
sont invisibles vis-à-vis du système, c'est bien ça ?
-Oui. D'ailleurs, c'est vraiment apparu pendant la crise de la Covid-19
où les vulnérabilités qui étaient déjà présentes avant la crise,
c'est-à-dire des salaires bas, des salaires irréguliers,
un monde de présentation, des horaires de travail non réglementés,
c'est-à-dire qu'on les voit surreprésentés parmi de très faibles horaires de travail
avec le risque de pauvreté qui est associé à ça,
ou au contraire avec des horaires extrêmement longs
et le risque d'accidents du travail,
aussi la question de l'équilibre entre vie familiale
et vie professionnelle.
Tout ça était accentué par la crise,
où on s'est rendu compte que non seulement ces travailleurs
n'avaient pas de protection sociale,
c'est-à-dire aucun revenu de remplacement, lorsque les activités
ou lorsque les mesures de confinement ont été mis en place,
pour certains l'arrêt du travail forcé, l'impossibilité de gagner un revenu,
et vraiment un problème à couvrir, y compris les dépenses
les plus essentielles, y compris pour se nourrir.
Pour d'autres, les nécessités quand ils pouvaient continuer à travailler
sans nécessairement pouvoir respecter les mesures de distanciation nécessaires,
donc pas de protection sociale, pour beaucoup pas d'épargne,
pas d'autres moyens de faire face au choc.
Comme je l'ai dit, la difficulté pour eux de bénéficier des mesures
qui ont pu être développées par les gouvernements
pour essayer d'atténuer les conséquences de cette crise :
mesures de chômage partiel, de chômage total,
des lignes de crédit qui, pour beaucoup, sont restées limitées
à l'économie formelle.
C'est-à-dire qu'en très grande partie, ces travailleurs
de l'économie informelle sont restés très en dehors du champ
de la majorité des mesures qui ont pu être développées
en réponse à cette crise.
Comme vous l'avez dit, et comme je l'ai dit avant,
cette question de la reconnaissance légale,
à la fois en tant que travailleur et unité économique
et de la visibilité que peuvent avoir ces travailleurs,
ça vient aussi du manque d'organisation, du manque de représentation,
et de la difficulté pour eux à faire entendre leur voix.
-Il y a une double mise en marge qui existait déjà
et qui s'est accrue avec la pandémie, comme vous l'avez dit,
l'absence de protection sociale.
Est-ce que nous avons vu un appauvrissement
encore plus grand de ces travailleurs informels qui, déjà,
normalement, gagnent beaucoup moins que les travailleurs formels
depuis la pandémie ?
-Oui [rit], vous avez raison.
Si on commence à parler de déficit de travail décent,
ça commence par les différences salariales
entre travailleurs informels et travailleurs formels.
En parlant des différences salariales,
il s'avère qu'un travailleur informel salarié
gagne en moyenne 61 % de ce que touche
un travailleur salarié formel.
On voit que même avant la crise, la rémunération
des salariés dans l'informel était moindre,
et la situation est bien pire dans le cas des femmes
en emploi informel, puisqu'une femme employée salariée informelle
gagne en moyenne 47 % de ce que touche un homme
en emploi formel salarié toujours.
Comme j'ai dit tout à l'heure, les salariés,
ceux ne sont pas la majorité des travailleurs informels,
donc il est important d'utiliser des indicateurs plus larges
que le salaire.
On peut notamment considérer la pauvreté qui touche à l'ensemble des travailleurs
en emplois informels, et il s'avère que le taux de pauvreté
parmi les travailleurs informels est deux fois plus élevé
que le taux de pauvreté parmi les travailleurs formels,
et que quand on regarde au sein des travailleurs informels,
les travailleurs indépendants ont un emploi informel,
donc du taux de pauvreté de 44 %,
c'est-à-dire encore plus élevée que les employés en emploi informel
pour lesquels 32 % sont actuellement en dessous du seuil de pauvreté.
C'est-à-dire que les travailleurs informels
sont plus pauvres que les autres, que les travailleurs formels,
et au sein des travailleurs informels, certains groupes
sont encore plus pauvres que d'autres.
Bien évidemment, ces différences de salaires,
ces différences de gains du travail sont très largement liées
à des faibles niveaux de productivité qui tendent à caractériser
les activités informelles.
Ils s'avèrent que les unités de l'économie informelle sont en moyenne,
en tous cas deux fois ou trois fois moins productives
que les unités formelles.
Ça, à nouveau, c'est lié au manque de visibilité,
au manque d'accès aux moyens financiers,
au manque d'accès à la propriété, manque d'accès aux moyens de production.
C'est lié aussi d'ailleurs, à des niveaux d'éducation
généralement plus faibles dans l'économie informelle
par rapport à l'économie formelle.
Ce qu'il faut savoir, c'est que dans l'économie informelle,
la moitié des travailleurs en emplois informels
ont au mieux un niveau d'éducation primaire
alors que ce taux est de moins de 10 % parmi les travailleurs
de l'économie formelle, et assez peu, 7 % ont un niveau
de l'éducation supérieure.
À la fois manque d'accès aux moyens de production,
faible niveau d'éducation, ont un effet sur ce faible niveau de productivité,
mais bien au-delà ça a un effet aussi sur la capacité
à saisir les opportunités, à avoir une certaine mobilité sociale.
Là, on en revient aux inégalités, à cette capacité de saisir vraiment
les opportunités pour évoluer vers des emplois plus rémunérateurs
et à la réduction des inégalités.
-Vous avez parlé de cette inégalité entre hommes et femmes
au sein de l'économie informelle, de manque d'éducation,
justement, qui interdit un peu aux jeunes de sortir
de cette spirale, du cercle vicieux de l'informalité et aussi,
beaucoup de jeunes commencent à travailler dans l'économie informelle
en trouvant des petits boulots, et on dirait qu'ils y restent,
il n'y a pas moyen de s'en sortir. Ici aussi,
la pandémie a fait des ravages.
-Les jeunes, effectivement, pour la grande majorité,
ont tendance à commencer par un emploi informel,
ou même quand il est formel par des emplois plutôt précaires,
c'est-à-dire à durée déterminée, temporaire ou occasionnelle.
Effectivement, quand la crise est arrivée, il s'avère que cette crise
a eu de multiples répercussions et de multiples manières.
D'abord sur les jeunes qui étaient effectivement en emploi,
plus de 3/4 étaient dans un emploi informel,
et pour les autres qui n'étaient pas dans des emplois informels,
comme j'ai dit, ils étaient plutôt dans des emplois précaires,
donc ça a été les premiers à perdre leur emploi
et c'est les premiers aussi à ne pas bénéficier d'indemnités chômage
lorsqu'ils perdent leur emploi, ou à pouvoir bénéficier
d'une épargne faute d'ancienneté, et de capacité à pouvoir accumuler
cette épargne pour faire face au choc.
Ensuite, on a d'autres façons dont les jeunes ont été répercutées.
Ce n'est pas seulement ceux qui étaient en emploi,
mais aussi ceux qui sont à la recherche d'un premier emploi.
Il est clair que quand on se retrouve dans un contexte
avec de multiples faillites, de multiples pertes d'emploi
et l'incertitude pour les employeurs quant à ce qui va se passer
dans les mois à venir, dans les années à venir,
la proposition et l'offre d'emploi stable à durée déterminée,
et en particulier pour les jeunes, va être limitée.
Enfin, la troisième façon dont les jeunes ont été infectés,
c'est les jeunes qui ne sont pas encore en emploi,
mais les futurs travailleurs qui étaient et qui sont,
je l'espère encore pour nombre d'entre eux,
en formation et dans le système éducatif,
ils ont largement pâti des perturbations qu'a pu la crise sur l'éducation,
la formation professionnelle.
Avec, là aussi, une question d'inégalité, parce que pour beaucoup,
en tout cas dans les pays développés, dans certains pays émergents,
des situations de cours en ligne ont pu être mis en place.
Là encore, on voit des différences entre pays,
et on voit des différences entre familles, avec en Afrique,
par exemple, les répercussions les plus sévères,
avec un arrêt total des activités de formation
sans possibilité nécessairement de pouvoir mettre des cours en ligne.
De même pour les familles les plus pauvres,
avec une réelle difficulté d'accéder aux technologies
permettant de participer à des formations en ligne.
Ce qu'on voit ici, c'est que les inégalités
qui étaient présentes avant la crise entre jeunes
et moins jeunes
risquent d'être renforcées pour les générations à venir
pour pouvoir accéder à un emploi de qualité.
Ce qu'il faut savoir, c'est que le niveau d'éducation,
ce n'est pas une garantie pour accéder à un emploi formel,
mais c'est quand même un sacré atout.
Quand on regarde la situation, on voit que plus de 90 % des travailleurs
avec pas du tout d'éducation formelle, sont en emplois informels.
Ce taux d’informalité tombe à un 1/4 des travailleurs
qui ont pu accéder à une éducation supérieure.
Ce qui veut dire que l'accès à l'éducation,
c'est quand même un bon atout pour pouvoir accéder plus tard
à un emploi formel.
C'est aussi un bon atout pour pouvoir bouger éventuellement
entre un emploi informel et un emploi formel.
Là encore, je reviens à cette question d'inégalité.
-Face à un phénomène aussi complexe qui ne se mesure pas seulement
en termes de salaire, mais dans toutes sortes de paramètres
très différents, que peut-on faire, que peuvent faire les gouvernements,
que peuvent faire les entreprises ?
Comment peut-on combattre les inégalités ?
Donnez-nous un peu en gros,
peut-être trois idées justement pour pouvoir aborder ce sujet.
-Je vais vous donner peut-être deux idées
ou trois idées, en considérant que la première
n'est pas vraiment une idée, mais en principe qui est important
à prendre en compte quand on pensent à réduire les inégalités.
Ça, ça se rapproche de quand on pense à favoriser la transition
de l’informel au formel.
C'est que quand on s'adresse ou on vise à réduire les inégalités,
il convient de combiner et de coordonner différentes interventions.
C'est-à-dire qu'il faut aborder cette question
des inégalités de façon intégrée
et viser non seulement à créer des emplois,
une croissance inclusive, à augmenter la productivité,
à améliorer l'accès à la formation, mais aussi améliorer
le fonctionnement des institutions, réduire les vulnérabilités
des différents groupes et évidemment aussi,
agir sur les systèmes de protection sociale
afin d'agir sur la redistribution.
Ce que j'essaye de dire là, c'est que quelles que soient les idées
que je vais donner, il est important de considérer
ces idées et les interventions de façon coordonnée.
Par exemple, à commencer par la première idée
qui porte sur l'extension de la protection sociale
et le renforcement des institutions de sécurité sociale,
il est clair que ça ne peut pas être la réponse unique aux inégalités.
Agir sur la redistribution est un pan de l'action,
mais elle n'est pas suffisante et de loin, pas suffisante.
Pour commencer par le renforcement des systèmes de protection sociale,
il est clair que ce renforcement peut jouer un rôle important
dans la réduction des inégalités.
Cela concerne en particulier la mise en place de systèmes
de protection sociale universels, complets, durables,
adéquates, qui proposent des niveaux de protection suffisants,
qui permettent aux travailleurs et à leurs familles de répondre
à leurs besoins.
C'est aussi permettre d'avoir des systèmes pérennes.
La pérennité repose en partie sur la façon dont sont financés
ces systèmes de protection sociale.
Là, intervient aussi la nécessité de favoriser la transition de l'informel
vers le formel,
et de favoriser l'expansion via des systèmes
de protection sociale contributifs, en plus du non-contributif
qui va s'avérer être l'option la plus appropriée
pour certains groupes dans l’informalité.
Ça m'amène à ma deuxième ou ma troisième idée
si je considère que la première proposition
était une idée, et elle n'est pas surprenante
cette troisième idée.
C'est effectivement de favoriser la transition vers l'économie formelle.
Ce qu'il faut savoir, c'est que l’informalité
est l'une des sources d'inégalités.
Réellement faciliter la transition vers la formalité fait partie des réponses
qui peuvent contribuer à la réduction de ces inégalités.
Il est clair qu'une économie informelle de grande ampleur
est réellement problématique, d'une part pour les travailleurs
qui sont plus vulnérables, comme je l'ai dit avant,
mais aussi pour les gouvernements qui ont un champ d'action plus réduit,
parce que les ressources publiques sont plus limitées,
mais aussi parce qu'on a finalement un contrat social qui n'est pas vraiment
en place ou un manque d'équité dans la société.
Ce qu'il faut savoir aussi, c'est que quand on va traiter
et supporter la transition vers la formalité,
on va s'attaquer à certaines des causes qui sont en fait
des causes communes, à la fois à l'informalité
et aux inégalités.
C'est la question par exemple de favoriser la création d'emplois formels.
C'est la question de renforcer les institutions,
de les rendre plus efficace, plus responsable.
C'est aussi la question de renforcer la confiance
entre les travailleurs, les citoyens et ces institutions.
C'est un vaste programme [glousse] quand on vise à faciliter la transition
vers l'économie formelle.
C'est un vaste programme, qui, comme pour les inégalités,
appelle les approches intégrées, appelle à agir sur les différentes causes
d'informalité, que ce soit des causes associées au contexte macroéconomique,
c'est-à-dire à nouveau, favoriser la croissance.
-Pour trouver une solution, il faut vraiment une approche intégrée ?
-Oui, effectivement il faut une approche intégrée
qui s'adresse à la fois aux travailleurs,
aux personnes dans leur ensemble, puisque certaines inégalités
sont au-delà du marché du travail ;
une approche intégrée qui vise les entreprises,
qui vise à améliorer la productivité ; une approche intégrée qui agit aussi
au niveau des institutions.
Ça, c'est très commun aux approches qu'on applique à la fois
pour la réduction des inégalités et qu'on applique pour favoriser
la transition vers la formalité.
C'est-à-dire que c'est vraiment une approche bidimensionnelle
qui vise à améliorer le fonctionnement des institutions à accroître la confiance,
mais aussi à renforcer les capacités des travailleurs,
des individus à s'insérer sur le marché du travail
et à accéder à des condition de travail non seulement formelle,
mais des conditions de travail décentes.
C'est-à-dire qu'ils puissent, puisque là, on est sur le marché du travail,
non seulement retirer de meilleurs revenus pour eux-mêmes,
mais aussi pour leurs familles, et satisfaire leurs besoins.
Définitivement, oui, avoir une approche intégrée
et multidimensionnelle.
-Merci beaucoup Florence. -Merci Isabelle.
-Nous avons parlé avec Florence Bonnet, spécialiste du marché du travail de l'OIT,
des inégalités dans le marché de l'emploi.
Nous continuerons à parler des changements dans le monde du travail
dans les prochaines semaines.
Pour l'instant, c'est au revoir, et à bientôt pour un prochaine épisode
des voix de l'OIT.
[musique]