Voices
Points de vue sur le monde du travail
Photo: © José Cendon / AFP

Podcast l'avenir du travail

Episode 15
Violence et harcèlement au travail

Mettre fin aux violences faites aux femmes: une question de dignité humaine

25 novembre 2022
00:00

Plus d’un milliard de femmes dans le monde sont victimes d’une forme de violence au cours de leur vie. Cela signifie au moins une femme sur trois! Ces violences perdurent au-delà des frontières géographiques et culturelles. Elles sont exacerbées par les inégalités que les femmes et les filles continuent de subir au quotidien.

Y mettre fin est une question de dignité humaine, affirme Christiane Fatime Ndiaye, spécialiste technique principale auprès de l'OIT pour les questions d’égalité du genre, diversité et inclusion pour l’Afrique francophone.

 Ce 25 novembre, nous célébrons la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes qui marque également le début des 16 jours d'activisme contre la violence basée sur le genre.

 La Convention 190 de l’OIT – premier traité international à reconnaître le droit de chacun à un monde du travail exempt de violence et de harcèlement – est inclusive, participative, et reste un outil fondamental de lutte contre la violence faites aux femmes.

 Sa ratification universelle (187 Etats Membres) garantirait une vie de dignité et de respect des droits pour toutes et tous.

Immersion sur le terrain au «Pays de la Teranga».

Transcription

[musique]

Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du podcast de l'OIT,

sur l'avenir du travail.

Heureux de vous retrouver toutes et tous afin

d'aborder sans concession les questions fondamentales

liées au monde du travail et les profondes transformations

qui s'opèrent au quotidien.

[musique]

Je m'appelle Guebray Berhane.

Je travaille au sein de l'Organisation

internationale du Travail à Genève.

Aujourd'hui, nous allons traiter d'un sujet majeur et épineux.

Je veux parler de la prévention de la violence

et du harcèlement dans le monde du travail.

En effet, ce 25 novembre, nous célébrons la Journée internationale pour

l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Cette journée marque également le début des 16 jours

d'activisme contre la violence basée sur le genre.

Or, ces deux dernières années, l'ONU femmes,

l'Organisation internationale du Travail,

l'OIT, et bien d'autres institutions et ONG,

organisations non gouvernementales,

nous ont alertés face à la recrudescence

de la violence et du harcèlement envers les femmes.

D'une part, en raison de la pandémie du Covid et d'autre part

à cause des multiples crises qui frappent nos pays.

Que faire pour mettre fin à cette violence?

Comment soutenir un activisme robuste pour prévenir cette violence?

Des questions clés que je vais m'empresser de poser à notre invitée.

Fatim Christiane N'diaye,

vous êtes la spécialiste technique principale Genre, Égalité,

Diversité et Inclusion pour l'Afrique francophone

auprès de l'Organisation internationale du Travail.

Juriste de formation,

vous avez coordonné de nombreux projets sous-régionaux de lutte

contre la pauvreté et pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Merci de prendre part à ce podcast.

Avant même de parler de comment mettre fin à cette violence,

Fatim Christiane, je suis tenté de vous demander:

qu'est-ce qu'on entend par violences faites aux femmes?

Bonsoir, Guebray.

Je pense que les violences faites aux femmes sont les comportements

qui sont inacceptables et qui causent des dommages aux femmes,

surtout quand ces comportements sont basés

sur le fait que la victime est de sexe féminin.

Je pourrais peut-être aussi ajouter que ces comportements

ont des conséquences néfastes, non seulement sur la santé,

mais aussi sur la psychologie et parfois

sur les revenus des personnes qu'ils affectent.

Merci beaucoup. Merci d'avoir dressé le cadre.

Juste en suivant cette réflexion,

pourquoi devons-nous mettre fin à la violence

contre les femmes et les filles?

Je pense que mettre fin à la violence envers les femmes et les filles,

c'est une question de dignité humaine.

Au XXIe siècle, nous ne pouvons pas nous permettre

d'avoir tout un pan de la population,

qui soit des victimes de la violence et du harcèlement.

C'est une question de droits de l'homme,

mais c'est aussi une question économique.

Lorsque nous analysons les conséquences de la violence

et du harcèlement envers les femmes et les filles,

notamment dans le monde du travail, nous nous rendons compte

à quel point cela est d'un coût pour nos entreprises,

mais aussi pour les États et les sociétés toutes entières.

La Convention n° 190 de l'OIT est

le premier traité international à reconnaître

le droit de chacun à un monde du travail

exempt de violence et de harcèlement,

y compris de violence et de harcèlement fondés sur le genre.

Vous savez que 22 États Membres ont déjà

ratifié cette Convention n° 190 de l'OIT.

Est-ce que vous pensez que c'est un outil que nous pourrions

utiliser pour combattre la violence et le harcèlement?

Pour moi, c'est un outil fondamental

de lutte contre la violence et le harcèlement,

parce que cette convention est inclusive, elle est participative,

elle permet aux États, elle permet aussi aux partenaires sociaux,

c'est-à-dire les organisations d'employeurs et de travailleurs,

de créer un environnement exempt de violence et de harcèlement.

Peut-être que je pourrais aussi aller dans

le cadre de la promotion de cette convention,

mais aussi dans le cas de l'activisme

qui nous est demandé pour cette année.

Le rôle, peut-être, des médias ou des journalistes,

peut jouer en faveur de la ratification de cette Convention

n° 190 de l'OIT sur la violence et le harcèlement.

Qu'est-ce que vous en pensez?

Dans nos pays, notamment en Afrique,

la majorité des travailleurs et des travailleuses

se retrouvent dans l'économie

informelle et nous avons un nombre croissant

de personnes qui sont analphabètes.

Les journalistes peuvent jouer un énorme rôle de sensibilisation.

Par exemple, nous avons, au Sénégal,

créé un réseau de journalistes engagés dans la lutte

contre la violence et le harcèlement au travail.

Ces journalistes diffusent en langue nationale

des informations sur la Convention et la recommandation.

Ils sensibilisent les populations,

notamment les populations les plus fragiles à

non seulement mettre fin

mais aussi dénoncer les actes de violence et de harcèlement,

parce que la dénonciation est un point qui est très sensible

et qui est très difficile pour de multiples raisons,

tant sociales qu'économiques.

Ils sensibilisent aussi nos gouvernements,

parce que nous avons de nombreux articles

qui interpellent les entreprises, qui interpellent les gouvernements,

qui interpellent aussi les organisations syndicales pour, qu'ensemble,

nous puissions mettre fin à ce fléau.

Ce que je voulais dire,

c'est que nous avons une coalition qui est très belle,

c'est la coalition entre les journalistes,

les syndicalistes et le gouvernement pour justement mettre fin

à la violence et au harcèlement et ratifier la Convention n° 190.

Merci. Vous venez de mentionner, notamment,

le Continent et un exemple concret de ce réseau de journalistes.

Est-ce que je pourrais demander: quelles sont les autres actions

concrètes qui sont menées sur le terrain et les bonnes pratiques,

notamment au Sénégal ou en Afrique de l'Ouest,

voire en Afrique, par rapport à cela?

Les actions, les activités, sont multiples, mais je peux citer que,

tout d'abord, on a travaillé sur la recherche.

C'est très difficile de faire des plaidoyers

sans avoir des faits concrets, sans avoir de chiffres,

sans avoir d'informations sûres et fiables,

donc on investit beaucoup cet axe de la recherche.

L'autre axe, comme je l'ai dit tout à l'heure,

c'est tout l'axe de sensibilisation

des travailleurs et des travailleuses, notamment les plus vulnérables,

ceux de l'économie informelle et rurale, mais aussi,

on travaille avec les entreprises pour mettre en place des mécanismes

de lutte contre la violence et le harcèlement

au sein de leur établissement.

Avec les entreprises, nous travaillons, aussi et surtout,

avec les responsables des ressources humaines,

les comités de santé et sécurité au travail,

pour qu'ils puissent vraiment travailler à mettre en place des lieux

sains et sécures pour tous les hommes et toutes les femmes.

Fatim Christiane N'diaye,

merci pour ces explications et ces pistes de réflexion

sur la prévention de la violence et du harcèlement au travail.

Oui, la violence à l'égard des femmes continue d'être

un obstacle à la réalisation de l'égalité, au développement, à la paix,

mais des solutions concrètes existent.

Merci à vous de les avoir partagées avec nous.

Merci également aux auditeurs et auditrices qui nous ont

rejoints pour cette édition des Voix au travail.

Ce podcast sera bien évidemment disponible en ligne.

Si vous souhaitez obtenir plus d'informations

sur la prévention de la violence et du harcèlement au travail,

sur la Convention n° 190 de l'OIT

sur la violence et le harcèlement au travail,

vous pouvez consulter notre site web,

à l'adresse: voices.ilo.org.

J'espère bien vous retrouver très vite lors du prochain épisode

du podcast de l'OIT sur l'avenir du travail.

Merci beaucoup.

[musique]