[musique]
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode des Voix de l'OIT.
Un podcast de l'OIT où nous abordons les problèmes et les problématiques
du monde du travail et les profondes
transformations qu'il est en train de vivre.
Nous allons parler aujourd'hui de l'aménagement du temps de travail,
un sujet de grande actualité depuis que la pandémie
nous a habitué dans un temps record au télétravail.
Selon un nouveau rapport de l'OIT,
des heures de travail réduites ainsi que des aménagements
plus flexibles en matière de temps de travail,
comme ceux auxquels on a eu recours pendant la crise du COVID-19,
peuvent être favorables à la fois à l'économie,
aux entreprises et aux travailleurs et peuvent aussi jeter les bases
d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée,
ce que finalement, nous cherchons tous.
Pour en parler aujourd'hui avec nous, nous avons Jon Messenger,
spécialiste des conditions du travail de l'OIT et auteur de ce rapport.
Bonjour Jon, merci d'être avec nous.
Oui, bonjour Isabel.
Jon, est-ce qu'on peut être plus productif en travaillant moins?
Oui, c'est la vérité.
Beaucoup de personnes ne pensent pas que c'est la vérité,
mais nous avons beaucoup de preuves que
les pays, et aussi les personnes qui travaillent le plus,
sont les moins productifs,
parce que si vous travaillez beaucoup d'heures,
vous pouvez devenir très fatigué, même épuisé, et après,
votre productivité peut diminuer.
Donc à la fin, c'est beaucoup mieux de pouvoir s'adapter,
d'adapter les horaires, d'être plus flexible
et on a vu que ça marchait pendant la pandémie.
Les entreprises ont continué à fonctionner,
l'économie a continué à fonctionner, l'adaptation a été très rapide,
mais les gens ont d'un seul coup appris
à travailler autrement.
Oui, c'est incroyable pour moi, parce que la préparation,
ce n'était pas là, c'est beaucoup mieux en fait
Oui, ça a été une improvisation.
Ça a été une improvisation.
Ça a été des conditions pires.
Mais même avec des conditions pires, après deux, trois, quatre mois,
la productivité était là et le résultat était là, les conditions pires
mais la productivité qui n'est pas réduite, qui en fait a augmenté.
Je pense que c'est parce que les gens vraiment
s'adaptaient bien et ciblaient sur les tâches nécessaires,
et pas perdre beaucoup de temps juste pour les choses qui ne comptent pas.
Alors, ce qu'a fait la pandémie,
nous faire parler des choses dont on parlait déjà un petit peu,
mais il y avait beaucoup de résistances, ne serait-ce que peut-être
de la part des entreprises ou des propres travailleurs,
justement à adapter ces horaires.
On en parlait depuis longtemps et d'un seul coup avec la pandémie,
ça s'est accéléré et maintenant,
on en parle franchement et on voit que c'est possible.
Oui, c'est clair que c'est possible.
La pandémie a donné la preuve que c'est possible.
C'était une expérience mondiale avec le télétravail maximum,
peut-être plus que maximum.
Toutes les personnes qui peuvent faire du télétravail ont fait
du télétravail pendant la pandémie et nous avons vu le résultat.
Les employeurs et beaucoup de managers ont peur de perdre le contrôle,
parce qu'ils pensaient, s'ils perdent le contrôle,
Parce qu'ils ne voient plus leurs employés et d'un seul coup,
«Mais qu'est-ce qu'ils font?»
Oui. «Si vous ne pouvez pas voir l'employé,
comment pouvez-vous être sûr qu'il va
vraiment être en train de travailler?»
Mais c'est le résultat qui compte.
Vous avez besoin d'utiliser un système avec une base de résultat,
et pas juste gérer les disponibilités,
et pas juste gérer s'ils sont là ou pas là sur leur chaise,
parce que vous pouvez rester sur une chaise et ne rien faire du tout.
Rien du tout toute la journée.
Oui, toute la journée.
Il y a beaucoup de gens qui font ça d'ailleurs. [rires]
Tout à fait, exact.
Avant, beaucoup de gens faisaient ça.
Maintenant, si vous vous ciblez sur votre travail et vous vous ciblez
vraiment sur des choses qui comptent
et vous avez des tâches claires et un produit
clair que vous êtes responsable de faire,
vous pouvez vous cibler sur des tâches et dans les meilleures productivités.
Il y a quand même une résistance culturelle.
Encore maintenant, on le voit.
Il y a des entreprises qui ont redemandé
à leurs travailleurs de revenir au travail.
Il y a quand même toujours cette vision d'avoir
le travailleur devant son ordinateur ou dans l'entreprise,
alors qu'il y en a qui,
en effet, on vient de le dire.
Ça a été démontré que ça n'a pas eu,
souvent, il y a eu une adaptation et donc,
les entreprises ont pu continuer à marcher.
Que faire pour justement vaincre cette résistance?
C'est un peu culturel.
Oui. C'est difficile, parce que la pandémie vraiment prouve
que c'est possible, et prouve que les résultats sont là.
Mais c'est clair, vous avez la résistance culturelle,
la résistance psychologique aussi, et leur distance aussi.
Si le manager ne comprend pas comment gérer
une équipe qui n'est pas là dans le bureau.
Quelque chose que vous pouvez utiliser, c'est la formation,
pas juste pour les employés, mais aussi pour le manager,
pour les employeurs, pour le responsable.
Comment vous pouvez gérer une équipe virtuelle,
une équipe qui est dispersée, une équipe qui peut travailler de partout?
Et c'est différent. Vous avez besoin d'utiliser le résultat,
vous avez surtout besoin d'utiliser
une technique pour faire la communication,
pour assurer que la communication continue et pour
assurer que vous pouvez gérer l'équipe correctement.
Ce n'est pas la même technique que vous utilisez au bureau.
Je pense qu'une formation, c'est clair,
vraiment une formation, c'est clair pour montrer
que c'est possible pour donner les utiles,
pour utiliser et pour gérer nos équipes qui ne sont pas au bureau.
Est-ce qu'il doit y avoir aussi de la part
des gouvernements un certain contrôle?
Puisque ça aussi,
on en a parlé par exemple en France ou dans d'autres pays,
le droit à la déconnexion, encadrer ce télétravail pour qu'il ne devienne
pas quelque chose de beaucoup plus long.
Quel est le travail du point de vue des gouvernements?
Quelles sont les nécessités d'encadrement
de cette nouvelle forme de travail?
Oui, c'est vrai, mais la chose intéressante aussi,
c'est parce que les gens qui font le télétravail ont tendance
à travailler plus d'heures que les gens au bureau et ça,
ce n'est pas la chose que les employeurs peuvent penser.
Ils pensaient qu'ils vont travailler moins,
mais le travailleur travaille plus en fait, et produit plus.
Alors, vous avez besoin d'avoir un encadrement,
mais vous avez besoin d'avoir une réglementation flexible,
pas trop rigide, pas trop stricte,
mais quelque chose qui peut protéger les travailleurs,
assurer qu'il peut se déconnecter, pas juste pour le weekend,
mais aussi chaque jour et aussi pour les périodes de fêtes et de vacances.
Vous avez besoin d'avoir le droit de la déconnexion,
ou un minimum de pratique, pratique de déconnexion, et comme ça,
vous pouvez vous assurer que le travailleur peut bénéficier
du repos qui est nécessaire pour la vie personnelle,
mais il a besoin de se reposer aussi pour augmenter la productivité,
parce que si vous êtes trop fatigué comme on discutait,
que vous êtes épuisé, vous ne pouvez pas produire au même niveau,
ce n'est pas possible.
En plus, si beaucoup de gens ont découvert que toutes ces heures qu'ils
passent dans les transports en commun pour aller au travail,
ils peuvent les utiliser pour faire autre chose,
pour être plus avec leurs familles ou pour être plus chez eux,
donc il faut trouver quand même un certain équilibre et il faut
que cet équilibre soit quand même encadré et soit réglé
Est-ce qu'il faut que ce soit au sein des entreprises,
plus peut-être qu'au niveau des gouvernements,
que ce dialogue et que ces questions doivent être abordés?
Oui, c'est très important, je pense,
pas juste au niveau d'un pays ou secteur,
mais aussi au niveau des entreprises
ou organisations comme le BIT par exemple.
Vous avez besoin d'avoir quelque chose,
des règles spécifiques de comment gérer le télétravail,
mais aussi des bonnes pratiques.
Aussi, les gens ont besoin d'être bien formés.
Vous avez besoin vraiment d'avoir un dialogue
entre le manager et le travailleur, concernant comment faire ça,
et ça inclut aussi les tâches et les produits qu'ils sont responsables.
Comme ça, vous pouvez obtenir une situation gagnant-gagnant
où les employeurs peuvent gagner un bon résultat
et les travailleurs peuvent protéger leurs vies personnelles
et aussi travailler avec un maximum d'efficacité.
Ça a créé aussi d'autres dissensions à l'intérieur du monde du travail,
parce qu'il y a des professions qui ne peuvent pas faire le télétravail
Tout à fait.
Et qui doivent continuer à avoir une forme plus traditionnelle de travail.
Ça crée aussi des dissensions, des tensions au sein du monde du travail.
Donc, comment résoudre ça pour les professions qui ne
pourront pas vraiment changer de mode de travail?
Ils ne pourront pas vraiment s'adapter à la flexibilité.
J'insistais il y a longtemps que c'est possible
de trouver la flexibilité même au sein de bureau.
Parce qu'avec les horaires flexibles,
vous pouvez avoir des horaires flexibles,
une plage horaires flexible même au bureau où
vous pouvez arriver plus tard si vous avez besoin par exemple,
d'amener vos enfants à l'école,
où vous pouvez aussi partir plus tôt si vous avez besoin
d'aller les chercher à l'école
d'aller les chercher à l'école, exactement.
Ou pour avoir d'autres tâches de famille
ou un parent malade ou
vous avez une réunion avec les professeurs
à l'école et quelque chose comme ça.
Oui aussi d'autres possibilités de formation en parallèle.
Tout à fait.
Il y a beaucoup de possibilités, mais vous pouvez
Même les semaines de quatre jours, parlons-en.
Oui les semaines de quatre jours, exact.
Ou une semaine comprimée de quatre jours.
Absolument, c'est aussi
Oui les heures comprimées.
C'est ça.
Mais on en parle maintenant.
Avant, c'était qu'une petite minorité et maintenant
c'est devenu un vrai sujet dans le monde du travail.
Ça, c'est quand même la grande nouveauté.
Ça, c'est une nouveauté.
Je pense que c'est toutes les choses qui sont les résultats de la pandémie,
l'expérience de pandémie où les gens
Elle était très marquante.
Oui.
Il y a vraiment un avant et un après.
Oui, c'est vraiment un changement dramatique,
parce que les gens pensent différemment maintenant.
Je pense, nous avons réalisé ça avant
Mais on ne retournera pas en arrière.
Non absolument pas, parce que les gens comprennent maintenant,
vraiment comprendre, que la vie est courte, la vie est fragile.
Il n'y a pas de garantie.
Un jour, vous êtes ici, un autre jour, peut-être, vous n'êtes plus ici.
Vous avez besoin de profiter maintenant,
alors vous avez besoin de vous cibler sur le travail
pendant la période de travail, mais aussi vous,
vous avez soin de faire des choses personnelles,
vous ne pouvez pas juste faire des sacrifices pour le travail,
faire des sacrifices et oublier votre vie personnelle.
Je crois que, en plus, pour les jeunes travailleurs,
c'est devenu vraiment une condition essentielle de ce qu'ils
veulent ou ce qu'ils recherchent dans un travail,
une plus grande flexibilité.
Absolument.
Ça c'est quelque chose qui est maintenant
une des bases de ce qu'ils recherchent, non?
C'est devenu l'avantage compétitif pour les entreprises aussi.
Si je gère une entreprise, je peux dire:
«Je vais vous donner le maximum de flexibilité
et je suis seulement le résultat. »
Il y a beaucoup d'entreprises très intelligentes qui ont
compris qu'elles peuvent obtenir un avantage compétitif
pour recruter des gens.
Pour recruter des gens
pour recruter les meilleurs éléments,
pour les meilleurs éléments,
pour les gens avec les meilleures compétences,
«Okay, flexibilité maximum comme résultat. »
Absolument, mais c'est vraiment un changement
Parce que, par exemple,
dans les high tech, par exemple, à Palo Alto, etc,
l'idée c'était de les avoir le plus longtemps possible dans le bureau,
on leur donnait toutes sortes d'avantages, les free lunch, toutes sortes de
On vous transporte au bureau en bus
Des jouets.
Des jouets etc.
Maintenant, au contraire, c'est: «Non, délocalisez-vous, mais aussi en fonction,
votre salaire va changer si vous vivez dans une ville moins chère.»
C'est aussi des ajustements économiques
en fonction d'où se situe le travailleur.
Oui c'est vrai, mais ça dépend si vous travaillez toujours à distance,
ou vous vous trouvez hybride.
Hybride, qui est une formule qui a l'air d'être
Parce que ce n'est vraiment pas facile
de faire de longues distances tout le temps.
Même deux jours par semaine, si vous avez besoin de venir trois heures,
quatre heures, cinq heures, ça c'est difficile.
D'ailleurs, la formule hybride semble être la préférée, non?
Un petit peu de bureau, un petit peu de chez soi,
pas trop tout le temps chez soi, parce qu'à la fin, on s'ennuie.
Un petit peu au bureau, suffisamment pour voir ses collègues,
mais pas assez pour en avoir assez des collègues.
Juste la moitié-moitié, non?
Pour la socialisation, je crois quelque chose moitié-moitié,
peut-être trois jours, deux jours,
quelque chose comme ça pour la socialisation,
pour rencontrer les gens,
pour rester connecté avec l'organisation.
Mais en même temps,
vous avez besoin aussi d'avoir le temps spécifiquement
chez vous ou en distanciel où vous pouvez vous exprimer, vous cibler sur la tâche.
Vous avez besoin des deux, je crois.
Ça c'est la raison pour laquelle, moi, je peux supporter le travail hybride.
Avant, il s'appelait hybride.
Nous avons dit en 2017 avec notre rapport:
«Travailler n'importe quand, n'importe où.
Working anytime, anywhere.»
Vous avez vraiment besoin d'avoir quelque chose
comme moitié-moitié pour le meilleur résultat.
Le point deux, c'est Swiss pot, c'est moitié-moitié comme la fondue.
[rires]
Alors précurseur, mais à ce moment-là, on ne vous a pas trop écouté en 2017.
Vous étiez un pionnier.
Oui.
Nous étions, comme vous dites, un peu en avance, je crois.
[rires] En avance.
Là, maintenant, vous êtes juste à temps. [rires]
Ce que raconte aussi votre rapport,
c'est qu'il y a quand même de grandes inégalités dans le monde du travail.
Il y a des gens qui travaillent plus, des gens qui travaillent moins.
Plus d'un tiers travaille régulièrement plus de 48 heures par semaine,
un cinquième moins de 35 heures par semaine,
c'est le cas de beaucoup de métiers en France.
Ce sont des inégalités qui vont continuer,
ces inégalités de quantité de travail dans le monde?
Oui ça, c'est un grand problème je crois.
Pourquoi?
Parce que si vous avez un tiers du monde
qui travaille plus que 48 heures,
il y a beaucoup plus de problèmes avec la balance
entre la vie personnelle et la vie professionnelle,
même si vous pouvez faire du télétravail.
Si vous ne pouvez pas faire de télétravail, c'est même pire.
C'est vraiment difficile pour la balance, vraiment difficile.
Aussi, si vous travaillez des heures très, très petites,
peut-être, vous ne pouvez pas gagner l'argent suffisant
pour supporter votre famille.
Ça, c'est un autre défi.
Nous avons besoin d'avoir la politique pour
réduire les heures très longues et pour aider
les gens qui travaillent les heures très petites
d'avoir plus de stabilité avec leurs heures,
plus de stabilité avec les horaires de travail,
parce que beaucoup de fois,
les heures très courtes sont liées avec le travail sur appel.
Le travail sur appel est le pire pour la vie
personnelle parce que c'est totalement imprévisible.
Vous ne pouvez pas comprendre si vous travaillez.
Vous pouvez imaginer, ce matin, vous allez vous réveiller,
vous n'êtes pas sûr si vous travaillez ou vous ne travaillez pas
et vous recevez un appel,
vous avez besoin de venir au bureau ou dans
le magasin à 2h00.
Vous ne pouvez pas gérer votre vie personnelle.
C'est pour ça que l'encadrement est d'autant
plus nécessaire pour être sûr que ces nouvelles
modalités de travail sont des modalités de travail encadrées
qui ont les mêmes garanties, les mêmes protections,
le même droit à la retraite,
que ça ne devienne pas un travail caché ou qui n'ait
pas les mêmes garanties que le travail que l'on voit.
C'est quand même ça qui est très important.
Tout à fait. Aussi, vous avez des pays où il n'y a pas de protection comme ça.
Même maintenant, il n'y avait pas de protection, même avant la pandémie,
même pour les personnes dans des bureaux ou des magasins.
Vraiment, vous avez besoin de ce type de protection
pour tous les travailleurs qui travaillent.
Par exemple, le travail sur appel,
vous avez besoin d'avoir un peu plus de notifications, un minimum,
par exemple, peut-être 48 heures ou 72 heures, quelque chose comme ça.
Vous avez besoin d'avoir un peu
de notifications en avance pour préserver votre
vie personnelle et vous assurer que ce n'est pas
complètement détruit par votre travail.
Je crois que beaucoup de nos auditeurs sont complètement d'accord avec vous.
J'imagine. [rires]
Merci Jon Messenger d'avoir parlé avec nous.
Merci.
Nous avons parlé avec Jon Messenger
qui est spécialiste des conditions de travail à l'OIT.
Nous continuerons à parler des changements qui bouleversent
le monde du travail dans les prochaines semaines.
Pour l'instant, c'est au revoir et à bientôt
pour un prochain épisode des Voix de l'OIT.
[musique]