Mon nom est Myriam Raharilantosoa. Il y a à peu près 25 ans, j’ai commencé à travailler en tant que travailleuse domestique, plus précisément en tant que nourrice. Je suis devenue une défenseuse des travailleurs domestiques migrants malgaches après avoir découvert que ma fille était maltraitée par ses employeurs au Liban.
Au début, j'ai été embauchée par un étranger vivant à Madagascar, qui travaillait à l'ambassade de France. J'ai été particulièrement bien traitée et il m'a même demandé de l'accompagner, lui et sa famille, en France et plus tard au Liban après qu'il y ait été affecté.
J'ai sauté sur l'occasion pour rejoindre ma fille, Naka, qui était employée de maison au Liban.
Mais ma fille n'a pas eu autant de chance que moi. J'ai découvert que son employeur la maltraitait. Elle était partie au Liban sans formation ni information sur les conditions de travail auxquelles elle serait confrontée. Elle vivait dans des conditions difficiles, avec un employeur qui la malmenait.
Elle m'a raconté qu'elle travaillait tous les jours sans interruption, de cinq heures du matin à minuit, à s'occuper des enfants, à faire la cuisine, le ménage, le repassage, non seulement pour son employeur mais aussi pour les parents de son employeur, sans rémunération supplémentaire.
Ils ne lui accordaient aucun jour de congé et lui interdisaient d'aller à l'église, ce qui allait à l'encontre des termes de son contrat. Ses employeurs l'enfermaient dans la maison lorsqu'ils sortaient. Elle n'avait même pas le droit de manger avec la famille. Elle mangeait leurs restes.
Lorsqu'elle a essayé de parler de ces problèmes à ses employeurs, ils ont dit qu'elle n'avait aucun droit. Elle avait peur et ne savait pas vers qui se tourner.
Ma fille pleurait tous les soirs à cause de sa situation et souffrait d'un traumatisme mental. Finalement, elle a décidé de s'enfuir et s'est rendue à l'agence qui l'avait embauchée. Ils l'ont envoyée dans une autre famille mais, sous l'influence de son précédent employeur, cette famille l'a également maltraitée. Elle mangeait tous les deux jours et avait perdu beaucoup de poids. Elle perdait aussi ses cheveux.
J'étais vraiment triste et déprimée quand j'ai découvert tout cela. J'étais effrayée et anxieuse. Je ne faisais que pleurer.
Je ne pouvais pas rester sans rien faire, alors j'ai essayé par tous les moyens de sortir ma fille de l'enfer dans lequel elle vivait. Finalement, je me suis confiée à mon employeur, qui m'a aidée.
Nous nous sommes adressés à une organisation caritative qui nous a aidés à déposer plainte contre l'employeur. Ce n'était pas facile, mais par amour pour ma fille j'ai osé le faire.
J'ai payé 2 300 USD pour que ma fille puisse quitter cette famille. Il faut un garant pour un nouveau contrat de travail et c'est une famille de l'ambassade de France qui s'est chargée de la négociation.
Lors de mes rencontres avec d'autres travailleurs domestiques au Liban, j'ai appris que lorsqu'ils arrivent dans le pays, la police leur prend souvent leur passeport et qu'ils doivent ensuite attendre dans une pièce comme une cellule jusqu'à ce que leur employeur vienne les chercher. Parfois, leurs téléphones portables sont confisqués, de sorte qu'ils sont vraiment seuls.
S'ils arrivent par l'intermédiaire d'une agence, ils peuvent au moins les contacter en cas de problème, mais s'ils arrivent par des voies clandestines, ils sont à la merci de leurs employeurs.
En outre, de nombreux travailleurs domestiques malgaches qui vont travailler au Liban ne parlent pas l'arabe, le français ou l'anglais, ce qui rend la communication avec leurs employeurs difficile et les rend vulnérables.
Grâce aux différentes démarches que j'ai entreprises pour aider ma fille, j'ai appris à connaître et à travailler avec différentes organisations qui défendent les droits des travailleurs domestiques au Liban, notamment l'Organisation internationale du Travail (OIT).
Dès lors, j'ai commencé à faire campagne pour les droits des travailleurs domestiques, non seulement pour les Malgaches au Liban mais pour tous les travailleurs victimes d'abus et de mauvais traitements.
À la fin de mon contrat au Liban, j'ai décidé de rentrer à Madagascar. Mon expérience au Liban m'a beaucoup appris sur les droits et les protections des travailleurs domestiques, en particulier des travailleurs migrants.
Avec ces connaissances et avec d'autres travailleurs domestiques de retour, nous avons décidé de créer le Syndicat national des travailleurs domestiques de Madagascar (SENAMAMA). Le syndicat a été officiellement fondé en septembre 2019, et j'ai assuré la présidence par intérim avant d'être officiellement élue à ce poste lors du premier congrès national en juillet 2021.
À l'origine, nous étions huit membres actifs, principalement d'anciens travailleurs migrants de retour du Liban, mais nous avons réussi à mobiliser d'autres membres grâce au bouche-à-oreille et à des annonces à la radio. Plus tard, suite à différentes activités de sensibilisation et à l'aide de l'IFDW et de l'OIT, de nombreux membres ont rejoint notre organisation et nous comptons aujourd'hui près de 2000 membres.
Notre principal objectif est de protéger les travailleurs domestiques, de prévenir et de traiter les abus, le non-paiement des salaires, les déductions salariales illégales et le manque de protection sociale. De nombreux travailleurs domestiques malgaches sont encore victimes de violences et d'abus, de harcèlement sexuel et moral, voire de viols. De plus, ils ont une rémunération très faible, qui varie généralement de 40 000 à 100 000 ariary (10 à 25 USD) par mois.
Nos principales activités sont axées sur le plaidoyer, la formation et la sensibilisation des travailleurs. Notre organisation a participé au processus de révision du code du travail de Madagascar et à son alignement sur la Convention de l'OIT sur les travailleurs domestiques, 2011 (n° 189). Dans ce cadre, nous avons aidé à définir le terme «travailleur domestique» et contribué à l'introduction d'un contrat type. Avec l'OIT, nous avons également soutenu le gouvernement malgache dans le rapatriement de plus de 300 travailleurs migrants malgaches pendant la crise sanitaire du COVID-19.
À long terme, notre objectif est d'aider les travailleurs domestiques à plaider pour la protection de leurs droits, tant à Madagascar qu'à l'étranger, et à influencer les discussions politiques dans les domaines qui les concernent directement.
Malgré les nombreux défis, le syndicat SENAMAMA reste optimiste et pense que les travailleurs domestiques à Madagascar auront un avenir meilleur. Cette vision nécessite la participation et l'engagement des différents acteurs sur le terrain, y compris l'État, afin que la législation soit mise en œuvre, que les droits des travailleurs soient contrôlés, que les employés puissent accéder à la sécurité sociale et à la couverture santé, et que les employés eux-mêmes unissent leurs voix pour lutter contre l'injustice dans leur travail.
Ma fille est maintenant de retour à Madagascar, où elle travaille pour une famille étrangère. Elle va bien et est membre de SENAMAMA, qui aide les travailleurs domestiques en détresse. Ma lutte pour ses droits est maintenant devenue une lutte pour tous les travailleurs domestiques à Madagascar.