Depuis que j’ai décidé de suivre une formation pour devenir enseignant en école maternelle, on m’a dit énormément de choses désagréables à entendre.
Mes formateurs m’ont bien accueilli pendant mes études et m’ont guidé dans cette voie. Au travail, mes collègues femmes m’ont également accueilli à bras ouverts.
Mais la société ne facilite pas les choses. Certains me considèrent comme une personne bizarre. Ils m’ont si souvent regardé de haut.
Quand j’ai fait mon stage, je devais porter une blouse à carreaux. Lorsque je circulais, que je me promenais dans la rue ou que j’allais à l’école maternelle, les gens me regardaient et se disaient: «Qu’est-ce que c’est que ce fou qui porte une blouse alors que c’est un homme?».
Dans notre société, il est très rare de voir un homme porter le genre de blouses que nous revêtons en classe. C’est considéré comme étant réservé aux femmes.
J’ai dû subir des regards intimidants et on m’a dit des choses comme: “c’est pour les femmes, c’est pour les lopettes”, que les enseignants en école maternelle ne font que découper du papier, que c’est à cela qu’ils servent. D’abord, cela m’a blessé et choqué. C’est difficile à encaisser pour un être humain. Mais aujourd’hui, je réponds “merci” quand j’entends ces commentaires.
J’ai choisi ce métier par intérêt. Il y a des années, je suis allé au jardin d’enfants avec ma petite sœur et j’ai vu qu’il y avait un homme qui enseignait dans une classe. Cela m’a semblé un peu fou et m’a intrigué, mais cela m'a amené à m’intéresser à cette profession.
J’en ai parlé à ma famille et ils m’ont dit qu’il y avait aussi des hommes qui exerçaient ce métier et que j’étais libre de choisir la voie que je voulais. Ils m’ont encouragé à aller de l’avant sur le chemin que j’avais choisi.
Au début de mes études, j’étais le seul homme de ma promotion. C’était un peu bizarre pour eux d’avoir un homme au sein de leur groupe. Lorsqu’ils s’adressaient à la classe, les enseignants avaient bien du mal à se rappeler qu’il fallait dire désormais «Mesdames et Monsieur» au lieu de seulement «Mesdames».
J’ai découvert qu’à Buenos Aires, il n’y a que sept hommes enseignants en école maternelle au sein de l’enseignement public. Nombreux sont les hommes qui se forment à cette carrière mais n’enseignent pas. Au lieu de cela, ils poursuivent leurs études pour obtenir un autre poste.
Il me semble que ces collègues osent suivre la formation mais ont ensuite peur de travailler. Ils ignorent comment la société et leur famille vont réagir, comment les directeurs d’école vont se comporter. Cela dépend vraiment du quartier ou de la ville où ils vivent. C’est une crainte que l’on a toujours.
J’ai rencontré de nombreux hommes qui refusent de choisir ou de continuer ce métier parce qu’ils ont peur du regard que porte la société.
J’ai reçu le soutien de mes parents, de mes amis et de mes collègues mais ce n’est pas toujours facile de faire mon travail en raison des préjugés au sein de Ia société et de la faiblesse de la rémunération.
J’enseigne à des enfants qui ont entre deux et trois ans et j’en assure la garde. J’adore m’en occuper.
Lorsque les gens pensent à la garde d’enfants, ils voient souvent les aspects pratiques dans les crèches. Mais, en réalité, nous faisons beaucoup plus qu’aider les enfants en matière d’hygiène, d’alimentation et de sommeil. Nous assurons également leur éducation en classe et à travers des activités, en s’assurant d’une cohérence en matière d’éducation entre l’école maternelle et la maison.
En tant qu’éducateur, je suis conscient que je laisse des empreintes sur les enfants dont je m’occupe et que celles-ci les influenceront dans l’avenir. J’adore être avec des enfants. En tant qu’enseignant, j’assure leur éducation et ils m’apprennent aussi des choses.
Vous faites le maximum pour que l’enfant continue à apprendre et à être éduqué ensuite à l’école primaire, au collège et plus tard, quelle que soit la voie qu’il choisit.
Je veux évoluer au niveau professionnel en tant qu’enseignant et travailler dans des endroits différents.
Il me semble que pour changer le regard de la société, nous devons encourager davantage d’hommes à travailler dans ce secteur et améliorer les conditions de travail. Je ne crois plus que ce soit une carrière réservée aux femmes, même si ce métier est très majoritairement féminin.
Nous devons reconnaître l’existence d’enseignants masculins en école maternelle, les encourager, les respecter et aussi verser à tous les enseignants de meilleurs salaires afin qu'ils n'aient pas de difficultés financières. Nous nous occupons d’enfants mais nous voulons aussi nous assurer de gagner suffisamment d’argent pour couvrir nos besoins essentiels.
Niveau salaire, c’est toujours compliqué. Nous nous investissons beaucoup dans notre travail, nous prenons toujours notre propre argent pour préparer le matériel de cours, pour apporter des kits de peinture à l'aquarelle ou d’autres choses qu'il nous manque, que nous réclamons mais que nous n’obtenons pas toujours.
Je continue à choisir cette belle profession grâce à tous ces enfants qui croisent mon chemin. Les voir rire, apprendre d'eux mêmes, et être en mesure de leur enseigner des choses dans différents domaines est la plus grande satisfaction qui soit. Recevoir leurs câlins tous les jours, leur dire bonjour, ou parler de quelque chose qu’on a évoqué ou sur lequel on a travaillé il y a plusieurs jours ou plusieurs semaines, tout cela signifie que je fais un bon travail.