C'était mi-2018 et j'avais besoin d'un emploi. Pendant cinq années consécutives, j'ai travaillé dans la restauration et dans l'industrie alimentaire. Mais, comme beaucoup d'autres, j’ai perdu mon emploi.
Juste à ce moment-là, quelqu'un m’a montré tous ces gens à vélo autour de Palerme avec des boîtes colorées attachées à leur dos.
«Vous serez votre propre patron, vous choisirez vos horaires», ont-ils dit. Les avantages ont rapidement attiré mon attention: flexibilité, liberté. Alors je me suis inscrite, j'ai fait la formation et j'ai sauté sur le vélo. Depuis, je travaille sur une plateforme numérique, livrant des produits alimentaires à Buenos Aires.
En fait, c'est ce que je fais dans la vie. Voilà qui je suis: une argentine d'une trentaine d'années, vivant avec mes parents dans leur appartement du quartier d'Almagro. Je suis mère célibataire d'un garçon de 9 ans, étudiante en laboratoire médical et ancienne secrétaire adjointe de l'«Asociación de Personal de Plataformas» (APP), espagnol pour l'Association du personnel des plateformes), la première organisation de travailleurs qui représente les travailleurs des plateformes numériques dans mon pays, qui prône de meilleures conditions de travail dans notre secteur.
Voici à quoi ressemble ma routine quotidienne: j'ai des cours virtuels tôt le matin jusqu'à midi. Je travaille ensuite jusqu'à 16 heures. Je rentre à la maison. Je mange. J'aide mon fils à faire ses devoirs. Je passe du temps avec lui. Une fois de plus, je retourne au travail vers 20 heures, jusqu'à minuit. J'essaye de faire huit heures complètes de travail par jour. C'est assez stressant et encore plus intense du fait de la pandémie.
Après l'épidémie de COVID-19, la demande a considérablement augmenté. Le gouvernement a déclaré que le travail de livraison était essentiel, à côté d’autres activités indispensables, telles que la santé publique et les transports.
En fait, les travailleurs des plateformes ont beaucoup apporté pendant cette crise, ce qui a permis aux gens d'éviter de sortir, sauf s’ils en étaient absolument obligés. C’est vraiment bien de participer à un travail essentiel, mais ça serait encore mieux d’avoir un travail décent.
Traités par les entreprises comme des sous-traitants indépendants, la plupart d'entre nous ne bénéficient d'aucune protection sociale, telle que la retraite, la santé ou les assurances.
Des jours de maladie? Des congés payés? Une couverture des risques professionnels? Pour le moment ce ne sont que des souhaits alors que nos risques sont élevés.
Exposés au trafic et obligés d'accélérer, nous récupérons et déposons les livraisons, nous gérons l’argent liquide et suivons des protocoles sanitaires stricts pour assurer notre propre santé et celle des autres. Et le tout sans accès à des WC publics. Nous utilisons les désinfectants pour les mains et les masques faciaux que nous fournissent les entreprises, mais pas en quantités suffisantes.
Les préoccupations et les revendications des travailleurs des plateformes numériques gagnent de plus en plus de visibilité. Aujourd'hui, notre principale priorité est de protéger notre source de revenus.
Notre organisation s'efforce d'améliorer les conditions de travail sur les plateformes numériques. En raison de la pandémie, il a été difficile de se réunir et de s'organiser, même si nous restons connectés sur les réseaux sociaux, par e-mails et sur les applications de messagerie.
Je suis convaincue que le travail sur les plateformes numériques est là pour rester. Il continuera de croître et transformera les marchés du travail dans un proche avenir.
Il faut profiter de cette opportunité: devenir le catalyseur d'une transformation positive en garantissant un travail décent et en garantissant les droits fondamentaux du travail à tous les employés, comme dans tout autre secteur. C’est notre but et ce sera notre réussite.