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Points de vue sur le monde du travail
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Podcast l'avenir du travail

Episode 54
Sécurité et santé au travail et AI

Comment l’IA et d’autres technologies peuvent protéger les travailleurs

24 avril 2025
00:00

À l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail, célébrée chaque année le 28 avril, un nouveau rapport de l’Organisation internationale du Travail met en lumière les effets positifs de l’intelligence artificielle et de la numérisation sur les conditions de travail.

Intitulée Révolutionner la santé et la sécurité : le rôle de l’IA et de la numérisation au travail, cette étude analyse la manière dont les technologies émergentes redéfinissent la prévention des risques professionnels et contribuent à améliorer la santé et le bien-être des travailleurs.

Manal Azzi, experte en sécurité et santé au travail à l’OIT, et Dafne Papandrea, spécialiste de la même thématique, reviennent sur les enseignements du rapport et évoquent les politiques publiques et initiatives à mettre en œuvre pour que ces avancées bénéficient au plus grand nombre, sans aggraver les inégalités ni créer de nouvelles formes de vulnérabilité.

Transcription

[musique]

Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode

de notre podcast de l'OIT sur l'avenir du travail.

Je suis Khadija Youssouf-Diallo, votre hôte pour aujourd'hui.

Dans son nouveau rapport,

l'Organisation internationale du travail explore

la manière dont l'intelligence artificielle, la numérisation,

la robotique et l'automatisation redéfinissent

la sécurité et la santé au travail dans le monde entier.

Le rapport met en lumière la manière dont

les technologies émergentes améliorent

la santé et le bien-être des travailleurs,

tout en soulignant la nécessité d'avoir des politiques proactives

pour faire face aux nouveaux risques.

Pour parler de cela ensemble,

nous avons aujourd'hui Manal et Dafne.

Manal Azzy est la chef d'équipe

des politiques de la sécurité et de la santé

au travail à l'OIT et la responsable de la coordination du rapport.

Dafne Papandrea est la spécialiste de la sécurité de la santé

au travail et depuis de nombreuses années, elle participe

à la conception et à la coordination de la campagne

de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail.

Manal et Dafne, merci d'être avec nous.

Merci.

Merci.

Merci.

Mesdames, on entend souvent des inquiétudes générales

de la part de travailleurs telles que : « L'intelligence artificielle

et la technologie vont me remplacer et pas véritablement me protéger. »

Le point de départ du rapport

peut sembler contre-intuitif.

Qu'en pensez-vous ?

Si je peux commencer, je trouve que c'est clair

que le monde du travail se transforme.

Il se transforme avec cette évolution technologique

et l'introduction de l'intelligence artificielle,

mais cela permet d'automatiser beaucoup de tâches.

Bien sûr, cela peut provoquer un peu d'anxiété,

surtout chez les personnes qui n'ont pas accès à la formation

et ceux qui n'arrivent pas à se requalifier vite,

ceux qui sont dans leur métier depuis longtemps,

c'est très difficile de faire face à ces changements.

Selon les dernières données de l'OIT,

on voit que l'automatisation ne remplacera

qu'un nombre très limité d'emplois.

En revanche, il y aura un grand nombre

d'emplois qu'elle viendra soutenir et renforcer.

Si je peux ajouter, ces technologies peuvent aussi permettre

d'ouvrir le marché du travail à plus de personnes grâce

à plus de flexibilité et à des nouvelles formes de travail.

Par exemple, le télétravail ou les plateformes peuvent faciliter

l'accès à l'emploi pour les personnes en situation

de handicap ou les seigneurs ou les personnes qui ont

des responsabilités familiales.

Surtout, notre rapport montre

une chose essentielle : si ces technologies

sont utilisées de manière responsable,

elles peuvent vraiment favoriser un travail plus sûr et puissant.

Absolument.

D'ailleurs, parlons-en davantage.

Comment cela se passe-t-il ?

Car le rapport mentionne les robots et dans des environnements dangereux,

pouvez-vous nous en dire plus sur le monde des robots ?

Oui, je suis d'accord.

Aujourd'hui, les robots avancés travaillent déjà

dans des environnements très dangereux.

Ils peuvent prendre en charge des tâches lourdes et très risquées.

On voit qu'ils peuvent aussi manipuler des matériaux

toxiques et supporter des températures très extrêmes.

Par exemple, si on regarde l'industrie du métal,

on voit que des bras robotiques peuvent brasser le métal en fusion.

C'est une tâche qui pourrait exposer les travailleurs à des brûlures.

Ça, on peut l'éviter avec ces bras robotiques.

On voit aussi que les robots sont très utiles

pour tout ce qui est tâches répétitives et fatigantes.

Ça peut être dans des usines,

mais aussi les tâches administratives qui sont très répétitives,

qui peuvent être remplacées un peu.

Même en agriculture, si je peux dire,

on voit que des drones autonomes viennent appliquer des pesticides.

Ils peuvent être utilisés, même pour ces matières très toxiques.

Cela, on voit que ça réduit l'exposition des travailleurs

à beaucoup de produits très chimiques et très dangereux.

On trouve beaucoup de bonnes choses en utilisant

ces robots avec ces différentes formes.

Même dans le domaine de la santé,

on a vu dans la chirurgie robotique,

l'utilisation de ces différents robots

pour la chirurgie allège la charge de travail

et peut améliorer l'ergonomie de ces professionnels.

Il y en a même des robots très interactifs qui peuvent

aussi aider à collecter des données sur les patients.

Ce qu'on aime bien avec ça, c'est qu'au lieu de perdre

le temps à collecter des informations

très banales et très répétitives des patients, ça laisse

le temps pour les infirmiers et les soignants

de se concentrer sur des tâches

beaucoup plus complexes ou pour prendre

le temps de parler aux patients et échanger avec eux.

Absolument, c'est génial ces avancées-là.

En revanche, nous avons également recours

à des technologies de surveillance intelligente

et la gestion algorithmique du travail.

Pouvez-vous nous en dire plus sur cet aspect-là ?

Oui, en effet, ces systèmes,

y inclus l'équipement de protection intelligente,

peuvent être utilisés dans différents secteurs

pour détecter des dangers et prévenir les accidents.

Par exemple, dans la construction,

des bracelets ou des ceintures équipées

avec des capteurs peuvent détecter des mauvaises

postures ou même des shoots et envoyer comme ça

une alerte pour une intervention plus rapide,

ou des protections auditives intelligentes peuvent mesurer

le niveau de bruit et donc mieux protéger

les travailleurs dans des environnements bruyants.

Aussi, dans les mines,

certains casques connectés peuvent surveiller

l'exposition au gaz toxique

et transmettre des alertes en temps réel.

On voit aussi des systèmes vidéo

alimentés par l'intelligence artificielle

qui peuvent être utilisés

pour renforcer la sécurité des conducteurs, par exemple.

Ils peuvent analyser des vidéos en direct et signaler des risques.

Pour rajouter à ce que Dafne vient de dire,

je trouve aussi que, même au-delà des dangers physiques,

la surveillance numérique peut aussi

permettre d'identifier des signes de stress,

de fatigue ou des horaires excessifs chez les employés.

Cela permet d'agir pour prévenir le surmenage.

On entend beaucoup parler de nos jours du surmenage

qui affecte beaucoup de gens dans beaucoup de secteurs.

Moi, je trouve qu'aussi, il faut mentionner

la réalité virtuelle qui est

très importante dans le monde de la santé

sécurité parce que ça permet

la possibilité de former les travailleurs

et ça permet de simuler des situations à risque,

mais ça reste dans un environnement sans danger.

On sent qu'on est vraiment face à l'acte

dans un environnement très immersif,

mais sans faire face à ce danger réel.

On peut former les gens et ils peuvent se considérer

comme s'ils sont en train de faire

les différentes mesures qu'ils doivent faire

dans leur travail sans qu'ils soient en face du danger.

Il y a aussi, je crois, la gestion algorithmique du travail.

On va voir après, peut-être qu'il y a des risques qu'on n'aime pas,

mais en même temps, ça peut être très utile parce que

si on l'utilise bien d'une manière très responsable,

ça peut aider à adapter les tâches

aux vraies préférences des travailleurs.

Ça nous donne une indication des préférences

des travailleurs et cela peut améliorer

l'équilibre entre la vie professionnelle

et personnelle de ces travailleurs.

Comme on a mentionné au tout début, il ne faut pas aussi oublier

que la numérisation fait place à de nouvelles formes de travail.

Aujourd'hui, on est dans un monde

où il y a beaucoup de télétravail.

On utilise les plateformes numériques pour faire beaucoup de travail aussi.

Cela peut offrir beaucoup de flexibilité,

comme elle a mentionné, Dafne, au tout début,

que ça peut aussi favoriser

l'inclusion de beaucoup de travailleurs

qui peuvent accéder au monde du travail.

On est bien d'accord, vraiment.

Ce n'est pas un tableau complet, on peut se dire ça.

Il existe aussi de réelles préoccupations,

comme vous venez de le mentionner, Manal.

Quels sont certains des risques ou dangers ?

Évidemment, il y a aussi des risques très réels

liés à l'utilisation de ces technologies.

C'est pour cela, je crois, qu'on a décidé de faire

ce rapport pour pouvoir donner des recommandations,

comment on peut agir, bien profiter

de tout ce qui est bien, mais aussi prendre conscience

de toutes les choses et les risques

qui peuvent sortir de ces changements.

D'abord, dans l'interaction humain-robot,

c'est là que des mouvements inattendus

ou des dysfonctionnements peuvent provoquer des accidents.

On est dans la perspective d'éviter des accidents

et on se retrouve avec d'autres types d'accidents.

Il y a des pannes, des alertes retardées

qui peuvent aussi augmenter les dangers,

surtout si le travailleur, on voit qu'il devient

dépendant de ces différents équipements,

des différents bracelets qui étaient mentionnés,

qu'on peut être juste dépendant et on arrête

de réfléchir et prendre les choses en main.

Il y a aussi, bien sûr, des défis ergonomiques.

Ça doit être conçu, adapté au travailleur.

Sinon, il y aura un inconfort.

Soit, il ne va plus mettre les équipements, soit ça va générer

encore plus de fatigue et des tensions musculaires.

La surveillance permanente, et ça,

c'est quelque chose dont on se plaint beaucoup.

On commence par surveiller les gens parce

qu'on veut voir s'il y a un risque pour leur santé.

En même temps, ça devient peut-être une surveillance

qui est pour la productivité.

On va venir pénaliser le travailleur qui n'a pas

assez produit de ce qui est ou comment

il peut arriver à ses objectifs dans le travail, et cetera,

et ce n'est plus concernant sa santé,

mais ça devient plus une surveillance

sur le travailleur qui peut être très gênante.

Avec toutes ces gestions algorithmiques,

on voit aussi que cela peut intensifier

le rythme de travail.

Les gens peuvent sentir moins d'autonomie

et se sentent plus contrôlés.

Par ailleurs, on voit beaucoup d'isolement,

on voit moins de personnes,

on est toujours devant nos appareils,

alors les gens se sentent moins connectés,

ils se sentent plus isolés socialement.

Enfin, il faut une adaptation constante à ces technologies

et c'est pour cela qu'on entend parler du techno stress.

Les gens stressent pour toutes ces nouvelles

transformations technologiques qui arrivent.

Il y en a qui n'arrivent pas à gérer, à utiliser

les différents logiciels qui sont présentés

et c'est ce qu'on appelle aujourd'hui le technostress.

On a un terme parce que vraiment,

ça touche beaucoup de gens

qui ont cette anxiété face à toutes ces transformations

qui se font très rapidement.

Absolument.

Puis, c'est à retenir tout ça, en effet.

Dafne, j'aurais une question plutôt pour vous :

que pouvons-nous faire pour garantir que les technologies

et l'IA soient déployées de manière responsable

pour la protection et la sécurité des travailleurs ?

Il faut tout d'abord mettre

à jour les règles pour mieux protéger les travailleurs

face aux risques liés aux nouvelles technologies.

Par exemple, ça peut être pour ce qui concerne

l'interaction homme-machine ou le droit

à la déconnexion pour éviter l'épuisement numérique.

Aussi, dans certains pays, maintenant,

les protections en santé sécurité intègrent, par exemple,

le télétravail ou le travail dans les plateformes numériques.

Puis, sur le lieu de travail,

les entreprises doivent mettre en place des systèmes

de gestion qui soient adaptés aux nouveaux risques numériques.

Cela veut dire évaluer les risques quand une nouvelle technologie arrive

et prendre des mesures de prévention adaptées.

Pour finir, un point essentiel, je pense,

c'est que les travailleurs doivent être bien informés,

formés et pleinement impliqués dans tous les processus.

Par rapport à cela, à l'avenir, Manal,

comment voyez-vous l'évolution des technologies

et de l'IA dans le monde du travail concernant plus particulièrement

la sécurité et la protection des travailleurs ?

Oui, on peut espérer beaucoup de choses.

Ce qu'on espère vraiment,

c'est que l'intelligence artificielle deviendra

encore plus adaptive et personnalisée.

Que ça ne soit pas quelque chose

qu'on applique sur tout le monde, l'un comme l'autre.

Les outils intelligents pourraient

bien sûr analyser les données en temps réel.

Ça, ça nous aide beaucoup.

Ils peuvent nous aider à donner des alertes

pour encore venir renforcer la prévention.

Ce qui est très important, et il faut le rappeler,

c'est que ces outils viennent en complément

du jugement humain et non pas pour le remplacer.

Vous avez dit ça au tout début, cette technologie

ne devrait pas du tout remplacer l'être humain.

On a toujours besoin de ce jugement de l'être humain pour faire

fonctionner tous ces équipements qu'on voit autour de nous.

On a aussi, je trouve,

et ce qu'on a trouvé en écrivant le rapport,

c'est qu'il y a un manque de recherche

pour comprendre réellement,

c'est quoi l'impact sur les maladies

professionnelles et les dangers.

Est-ce que vraiment, il y a un impact négatif ou positif ?

Est-ce qu'on a vu diminuer ces accidents grâce

à l'introduction de ces technologies ou pas ?

Est-ce qu'ils sont utilisés dans tous les secteurs,

dans tous les pays ?

On aimerait avoir beaucoup plus de statistiques

sur cela pour aussi éclairer comment guider

les politiques et les changements des protocoles dans le monde.

Ce qu'on a trouvé, et ce qui est

très utile et comme a mentionné Dafne à un moment,

il faut une collaboration entre les gouvernements,

les syndicats, les employeurs,

mais non seulement entre nos partenaires

sociaux et les gouvernements, mais aussi avec l'académie,

avec les universités, avec les centres de recherche,

pour vraiment comprendre

de plus en plus et profiter de ces changements technologiques

pour le bien de la santé et le travail décent.

C'est parfait, c'est vraiment génial.

Merci beaucoup, mesdames.

Aujourd'hui, nous avons parlé

de l'IA et la numérisation qui transforment

la sécurité et la santé au travail,

selon le nouveau rapport de l'OIT avec Manal Azzy et Dafne Papandrea.

C'est la fin de notre podcast.

Dans les semaines à venir, nous continuerons

d'aborder les changements qui bouleversent le monde du travail.

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Au revoir à tous et à très vite

pour un autre épisode de notre podcast

sur l'avenir du travail.

[musique]