-Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast de l'OIT.
Aujourd'hui, nous allons parler d'un sujet qui nous concerne tous,
de près ou de loin, l'emploi des jeunes.
Disons-le tout de suite, les choses sont assez préoccupantes.
Imaginez, vous sortez tout frais de vos études,
plein d'espoir et d'énergie, prêt à conquérir le monde du travail
et là, vous vous retrouvez face à un mur.
Les offres d'emploi semblent avoir été écrites
dans une langue étrangère.
Les recruteurs vous demandent cinq ans d'expérience
pour un poste de débutant et ne parlons pas des stages non rémunérés
qui semblent souvent la seule manière de commencer
à travailler.
Selon l'Organisation internationale du Travail,
qui a tout récemment publié un rapport sur le sujet,
malgré une petite embellie ces dernières années,
le chômage et la précarité continuent de frapper les jeunes.
Le rapport parle aussi d'une tendance inquiétante
le nombre de jeunes qui ne sont ni en emploi,
ni en éducation,
ni en formation, ce qu'on appelle les NEET continue d'augmenter.
L'étude souligne également une anxiété croissante chez les jeunes
face à cette situation et on les comprend.
Pour parler de ce sujet,
aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir trois invités :
Dorothea Schmidt-Klau,
qui est responsable du service emploi de l'OIT,
qui va nous expliquer les grandes tendances
et deux jeunes professionnels qui sont en stage ici à Genève,
au siège de l'OIT,
Nicolas Aubin-Audet qui nous vient de Montréal
et qui est sociologue de formation et qui veut devenir avocat et Elvire Jegu,
française, économiste de formation.
Ils vont tous deux nous raconter leurs expériences.
On va commencer par les grandes tendances.
Dorothea, le rapport de l'OIT a de bonnes et de mauvaises nouvelles.
Pouvez-vous nous les résumer ?
-Malheureusement, moi,
je ne vois pas beaucoup de bonnes nouvelles.
C'est vrai, le taux de chômage est
le plus bas depuis 15 ans, mais quand même,
c'est 13 %,
c'est beaucoup plus haut que le reste, pour les autres populations
et c'est quand même presque 65 millions de personnes.
Aussi, il y a des grosses différences entre les régions,
par exemple, la situation spécifiquement en Afrique du Nord
et dans des États arabes, c'est très difficile.
On ne voit pas beaucoup d'amélioration.
Aussi, il y a des autres nouvelles qui ne sont pas du tout bonnes.
Par exemple, en 2023, 1 jeune sur 5, soit 20 %
et même un peu plus de la population mondiale
était un NEET,
ça veut dire ce sont des jeunes
qui ne sont pas en emploi, ni en formation,
ni en études.
Ça, c'est un nombre très élevé.
-Justement, pourquoi ce nombre continue d'augmenter ?
-Pour moi, c'est une question que les économies,
même quand on voit de croissance économique,
ne produit pas
des opportunités d'emplois pour les jeunes.
Ça veut dire peut-être il y a des opportunités
pour des autres groupes d'âge,
mais pas pour les jeunes.
Ça, c'est un problème.
Ce n'est pas automatiquement
quand on voit de croissance,
qu'il y a des opportunités pour les jeunes.
Il faut des politiques d'emploi spécifiquement
pour les jeunes
pour produire des opportunités pour les jeunes.
-Merci Dorothea.
Je m'adresse maintenant à nos jeunes invités.
Quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés
ou que vous rencontrez lorsque vous cherchez un travail ?
Elvire, raconte-nous.
-Je pense qu'un des principaux obstacles, c'est le manque d'expérience.
C'est-à-dire que même
pour trouver un stage, on va nous demander
parfois un certain nombre d'expériences.
Ça peut être un à deux ans, mais selon le pays.
Moi, j'ai fait mon cursus en université en France
et on n'est pas forcément invités à faire des coupures pour travailler
et avoir de l'expérience professionnelle.
C'est un petit peu un cercle vicieux.
On veut avoir une première expérience
qui nous demande déjà une première expérience.
Je verrais vraiment ça comme le premier obstacle à trouver
un emploi et même un stage puisqu'on est assez obligé de passer
par des stages avant de chercher un véritable emploi.
Ensuite, vous avez parlé de rémunération au début,
parfois des stages non payés.
En France, il y a une rémunération minimum pour un stage,
mais qui ne couvre pas un loyer parisien par exemple.
C'est des difficultés en termes d'expérience et après
pour trouver
un stage ou un emploi avec lequel on peut vivre tout simplement.
-Il est vraiment très difficile de trouver ce premier emploi juste après les études ?
-Oui, juste après les études, sans expérience préalable
dans le domaine, c'est compliqué.
-Nicolas, est-ce que c'est aussi ton expérience ?
-Oui, absolument.
Je suis d'accord avec Elvire,
particulièrement dans le domaine du droit.
Si vous n'avez pas travaillé ou fait votre stage du barreau,
par exemple, dans le cabinet en question ou dans l'organisation
dans laquelle vous voulez appliquer,
c'est très difficile de rentrer dans ces organisations-là sans avoir
au préalable déjà une expérience.
Oui, tout à fait d'accord avec Elvire.
-Tous les deux, vous parlez de rémunération
pour ces premiers petits boulots, pour ces premiers emplois
qui ne sont absolument pas du tout suffisants,
donc il faut quand même toujours vivre
grâce à l'aide des parents ou autre.
C'est quand même un problème.
-Particulièrement ici à Genève,
la plupart des stages ne sont pas rémunérés.
Ici, à l'OIT, on a la chance d'être rémunéré,
mais j'ai beaucoup d'amis, de connaissances,
de collègues, mais pas de collègues de l'OIT.
Je connais beaucoup de personnes qui ne sont simplement pas rémunérées,
et particulièrement pour les stages à l'international.
Ça finit par faire en sorte qu'il y a seulement
les gens de milieux aisés qui peuvent accéder à ces stages-là,
et ensuite retourner dans leur pays ou dans d'autres organisations
avec cette expérience-là qui n'est pas accessible aux gens
à faible revenu.
-Une chose, c'est de trouver un emploi et une autre toute différente,
c'est de trouver un emploi qui subvienne à vos besoins et qui en plus vous offre
des perspectives professionnelles.
À cet égard,
le rapport de l'OIT souligne qu'un nombre croissant de jeunes
a des emplois précaires.
Dorothea, pouvez-vous nous donner plus de détails
sur cette tendance ?
S'est-elle aggravée et pourquoi cette précarisation
de l'emploi des jeunes ?
-Il y a beaucoup de raisons pourquoi on voit ça,
mais le plus important, c'est, comme j'ai dit,
qu'il n'y a pas assez d'opportunités d'emploi
pour les jeunes qui sont
dans le secteur formel, qui ne sont pas précaires.
Dans beaucoup de pays,
le seul choix que les jeunes ont, c'est de commencer avec un travail
qui n'est pas décent.
Le problème, c'est quand tu commences
comme ça,- -ça continue.
--ça continue.
Les pauvres jeunes d'aujourd'hui sont les pauvres
quand ils finissent leur vie de travail.
-Je reviens une fois de plus vers mes jeunes invités.
Dans ce parcours du combattant qui est le vôtre,
que devraient faire les employeurs publics ou privés
ou que devraient faire les gouvernements et même les syndicats pour vous aider
à trouver un emploi ? Qu'est-ce que vous auriez aimé ?
Qu'est-ce que vous aimeriez qu'ils fassent pour vous faciliter la tâche ?
-Je pense que d'apprendre des compétences plus techniques,
c'est une chose que je vois d'une manière très positive,
parce que le cursus académique souvent est un peu figé
dans l'apprentissage plus théorique et
de ce que je vois, les employeurs que je convoite,
c'est beaucoup des positions qui nécessitent certaines aptitudes,
des compétences
que le cursus normal traditionnel ne nous apprend pas.
-C'est-à-dire que lorsque, par exemple, tu commences à un travail,
tu as l'impression de ne pas avoir tous les outils en main.
-Exact.
-Tu as l'impression que tu dois apprendre un peu sur le tas
et les gens autour de toi n'ont peut-être pas forcément le temps de t'apprendre,
de t'enseigner ces outils qu'ils pensent peut-être basique,
et cetera.
C'est un peu trop académique ta formation, tu penses ?
-Absolument.
Particulièrement dans le domaine du droit.
-Elvire, tu as cette même impression ?
-Oui, je rejoins Nicolas sur ce point-là.
La formation universitaire
n'est pas du tout axée sur le monde professionnel
où certains parcours vont être--
-C'est quand même assez contradictoire finalement,
parce que bon--
-On va davantage apprendre toutes les connaissances d'un métier,
mais on ne va pas apprendre à faire le métier.
C'est ce qui manque.
Certaines formations--
-Là, il y a comme une sorte d'étape entre ce que vous apprenez
et ce dont vous avez besoin lorsque vous commencez le travail.
-Oui, en termes des missions qu'on me demande,
je me sens équipée par mes études pour les réaliser,
mais c'est vrai que lorsque j'avais fait mon premier stage pendant
cette année de césure au milieu de mon master,
j'ai vraiment appris aussi à me comporter dans le milieu du travail,
organiser des réunions, toutes ces tâches-là
qui sont très importantes aussi.
Ça, on les découvre au moment du premier emploi.
-Oui, c'est vrai, il y a aussi tout un côté relationnel
parce qu'on ne relationne pas de la même manière
à la fac, à l'université et dans un milieu du travail.
Là, je pense que non plus,
les formations ne sont pas forcément très complètes.
Justement, en parlant de formation, vous évoluez
dans un marché du travail en pleine évolution,
notamment avec l'arrivée de l'intelligence artificielle
qui a quand même été la grande nouvelle de cette année,
mais ce n'est pas seulement ça.
Comment pensez-vous que cela va impacter votre futur professionnel ?
Est-ce que vous pensez que vous allez avoir peut-être
le même travail maintenant que dans 10 ans ?
Est-ce que vous pensez que vous allez avoir
besoin de plus de formation ?
Est-ce que vous pensez que l'intelligence artificielle
va peut-être vous remplacer
dans ce que vous faites ?
Est-ce que c'est une inquiétude ?
Elvire.
-C'est une question intéressante et qui est d'ailleurs assez liée
avec les missions dans mon stage puisque je travaille dans l'équipe qui travaille
sur l'évolution des compétences sur le marché du travail,
au sein de département de recherches.
Ce qu'on lit pour l'instant,
ce que la recherche montre,
c'est qu'avec l'avènement de l'intelligence artificielle
et de toutes les technologies d'information
et de communication de manière générale,
ce qui va être le plus important, valorisé,
rémunéré, ça va être toutes ces compétences interpersonnelles,
sociales,
qui ne peuvent pas être remplacées- -Pour l'instant.
--pour l'instant, par l'intelligence artificielle.
Après, je pense que ça peut permettre de remplacer
toutes les tâches routinières.
Je pense qu'il faut vraiment avoir une approche par tâche plutôt
que par métier.
Je pense que dans chaque métier, il y a des tâches routinières
qui peuvent être remplacées.
Après, c'est plus problématique pour des emplois
qui demandent plus de tâches routinières.
Je pense qu'il faut en tout cas rester ouvert,
informé, essayer de savoir comment utiliser
cette technologie-là à son avantage, c'est sûr.
-Dorothea, je reviens vers vous.
Je vous pose les mêmes questions.
Que doivent faire les employeurs et j'ajouterai aussi les gouvernements,
et n'oublions pas non plus les syndicats, pour aider les jeunes à trouver
un emploi, tout particulièrement dans un monde du travail
en plein bouleversement ?
-Une chose qui est très importante, il faut partager les responsabilités.
Ce n'est pas la responsabilité des jeunes de trouver un travail,
c'est la responsabilité des gouvernements, du secteur privé,
de créer des opportunités.
On pense qu'automatiquement,
quand on produit de croissance, on produit des opportunités pour les jeunes,
ce n'est pas ça. -Ce n'est pas obligatoire.
La croissance n'engendre pas forcément du travail pour les jeunes.
-C'est ça. Ça veut dire, il faut spécifiquement introduire
des politiques pour les jeunes.
C'est très important.
Ça, c'est la responsabilité des gouvernements.
Il y a bien sûr aussi une responsabilité entre les jeunes.
Il faut essayer, il faut être motivé.
Il faut vraiment voir que souvent, ils n'ont pas des opportunités
et c'est ça le problème.
Ils ont l'éducation,
ils ont tout ce qu'il faut, mais quand même,
ils ne trouvent pas le travail.
Pour moi,
ce qui est très important,
c'est écouter,
c'est parler, c'est consulter avec les jeunes,
parce que c'est les jeunes
qui peuvent expliquer ce qu'ils sont capables à faire.
Il faut parler avec les employeurs pour voir ce qu'ils ont--
-Les employeurs, que doivent-ils faire ?
-Il faut parler avec eux pour voir c'est quoi qu'ils cherchent.
Parce que très souvent,
ils cherchent quelque chose qui est impossible.
On ne peut pas avoir un jeune de 18 ans avec 10 ans d'expériences,
ça ne marche pas.
Quand même, les jeunes aujourd'hui viennent
avec des capacités,
avec des possibilités qui sont très bien et très importantes.
Il faut parler.
Ce n'est pas que le dialogue social traditionnel,
il faut vraiment avoir des opportunités de parler,
d'écouter, de trouver des solutions ensemble,
parce que les jeunes sont plein d'idées.
C'est vraiment important pour les pays en général de les intégrer
dans les process politiques et écouter ce qu'ils proposent.
-Merci beaucoup pour cet aperçu.
Aujourd'hui, nous avons parlé du travail des jeunes avec Dorothea Schmidt-Klau,
responsable des services de l'emploi de l'OIT,
avec Nicolas Aubin-Audet et Elvire Jégu qui travaillent également ici à l'OIT
en tant que stagiaires.
C'est la fin de notre podcast.
Dans les semaines à venir, nous continuerons à parler
des changements qui bouleversent le monde du travail.
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Pour l'instant, c'est au revoir et à très bientôt pour un autre épisode
des Voix de l'OIT.